Le zeste de Tangelo
Le tangelo est un agrume hybridé entre le mandarinier et le pomélo. D’une belle couleur orangée, il apporte du peps et du dynamisme aux meilleurs cocktails. Voilà qui résume bien l’étalon belge Tangelo Van de Zuuthoeve, aux origines si françaises et à la production de classe mondiale. Rappelons que Tangelo est notamment le grand-père de Freud de Kreisker (Taalex, Bavar), jugé meilleur sept ans de sa génération et reproducteur en devenir.
Le grand étalon français Narcos II (Fair Play III, SF) a connu une période faste dans les années 90, produisant de très nombreux grands gagnants internationaux. Mais la production en deuxième génération (produits gagnants issus de fils ou filles de Narcos II) fut moins à la hauteur. Au fil des années, c’est par le biais de ses filles poulinières que le sang de Narcos II est resté réputé. Du côté de la voie mâle, parmi les nombreux produits étalons de Narcos II, certains ont une bonne production, tels Urbain du Monnai, Verdi, Type d’Elle, etc. Mais il manquait toujours le fils prodigue pour prendre le relais du seigneur de Tamerville. 90% de la production de Narcos II est française et pourtant, c’est du côté du stud-book KWPN que le salut viendra, grâce à Tangelo van de Zuuthoeve. Mais si le meilleur fils étalon de Narcos II n’est pas né en France, il possède étonnement un pedigree au 13/16e français.
D’un Z qui veut dire Zangersheide
La quatrième mère de Tangelo, Grata, une Hannovrienne noire née en 1967, fille du chef de race Gotthard (Goldfisch II, Han), entre dans le programme d’élevage ambitieux de Léon Melchior. Le fondateur du haras Zangersheide, puis du stud-book Z, avait concocté dans les années 1970 un programme novateur et sélectif basé uniquement sur l’aptitude sportive. C’est ainsi que plus d’une centaine de filles de Gotthard est arrivée à Lanaken pour débuter ce schéma de sélection. Bien sûr, bon nombre d’entre elles ont été écartées pour manque de résultats. Mais Grata (désormais Z) donne satisfaction et fait souche. Ainsi, en 1979, naît Alcyone Z, Han, toute noire fille du chef de race mondial Almé, SF (propriété et basé au haras Zangersheide) et de Grata Z. Ce premier croisement entre Almé et Gotthard n’est qu’une étape dans la construction de l’élevage Melchior.
Ainsi, en 1982, Alcyone Z est saillie à trois ans par le puissant Holsteiner Ramiro pour obtenir en 1983 Racyona Z, Han. La pouliche baie est le fruit d’un croisement qui est devenu classique : Ramiro x Almé x Gotthard. Croisement identique que l’on retrouve chez les deux propres frères Robin I Z et Robin II Z (mais avec une lignée maternelle différente, celle d’Alpha Z).
Sur cette base désormais solide, les résultats ne se font pas attendre et la production de Racyona Z fait parler d’elle. Son premier produit est l’étalon exporté en Pologne Colorado Z (Cor de la Bryère, SF), qu’elle aura eu à trois ans. Gracyona d’Amain, KWPN (Papillon Rouge, SF), est la mère de HBR Vance, KWPN (Namelus R, KWPN), de Contessa La Silla, OS (Chiquitin la Silla, SLS) et est la deuxième mère de Cornet Rouge, OS (Cornet Obolesnky, Bwp), tous ayant tourné à haut niveau. Conga van de Neerheide, sBs (Pommeau du Heup, SF), autre fille de Racyona Z, est la mère du crack de Christian Ahlmann, Mandato van de Neerheide, Bwp (Emerald van’t Ruytershof, Bwp) grand gagnant en CSI5*.
Racyona Z x Laudanum, à la base du succès
Mais la meilleure fille de Racyona Z est bien Olympia Van de Krekebeke, Bwp (Laudanum, PS), une jument fantastique, qui a donné naissance au performer et grand étalon Tangelo van de Zuuthoeve en 1996. Racyona Z, la puissante fille de Ramiro, baie avec de fortes articulations, est croisée en 1990 avec Laudanum, basé en France. Le Pur-sang alezan crins lavés est choisi par Robbrecht et Herman Segaert, éleveurs belges, pour affiner le modèle de leur jument. Olympia Van de Krekebeke est, comme sa mère, de robe baie, mais elle porte en elle le gène alezan (avec du blanc) du formidable Laudanum. Elle part faire sa carrière de poulinière chez René Vets. Celui-ci croise avec réussite Olympia avec l’étalon français noir Narcos II.
Une reconnaissance internationale tardive
Tangelo van de Zuuthoeve (Narcos II) est né en Belgique en 1996 mais est inscrit au stud-book KWPN. Présenté par son naisseur à deux ans à l’approbation du Bwp, il n’est pas approuvé et est vendu dans la foulée à Roelof Bril et Harrie Theewes. Le bel alezan prend donc la direction des Pays-Bas. Roelof Bril, cavalier international, détecte le fort potentiel sportif de son protégé et prend le temps de le faire vieillir sagement. D’un caractère facile, Tangelo s’illustre en CSI3* avec son propriétaire. L’étalonnier néerlandais De Radstake repère Tangelo grâce à ses performances, son modèle et son pedigree, de premier plan.
Une blessure entraîne une pause dans la carrière sportive de l’alezan, mais les demandes de saillies sont croissantes et, finalement, de Radstake rachète la totalité des parts pour le consacrer pleinement à sa carrière de reproducteur. La production néerlandaise s’est avérée excellente, avec les Bintang II, KWPN (Tangelo x Orlando), monture de l’Américaine Laura Renwick au plus haut niveau, Billy Angelo, KWPN (Tangelo x Kroongraaf), qui a participé à de nombreux CSI5* avec William Funnel, ou bien le bon étalon Taalex, Bavar (Tangelo x Alexis Z), qui a évolué sous la selle de Grégory Wathelet et est notamment le père de l’excellent Freud de Kreisker.
Mais ce n’est finalement qu’à partir de 2018 que la production explose au plus haut niveau mondial avec la suprématie de Tobago Z (Tangelo x Mr Blue), qui est le meilleur performer mondial de l’année 2018 avec Daniel Deusser, tandis que Darry Lou, KWPN (Tangelo x Nabab de Rêve) enchaîne en 2019 avec Beezie Madden.
Plus de quatre cents filles et fils de Tangelo nés en France
La France, terre d’élevage et des origines de Tangelo, ne s’est réellement intéressée à ce grand reproducteur qu’en 2018 avec cinquante juments saillies cette année-là. Depuis, avec une moyenne de quatre-vingt saillies par an – engendrant environ cinquante poulains par an – le sang de Tangelo van de Zuuthoeve rentre petit à petit dans le stud-book Selle Français. Ainsi, plus de quatre cents produits de Tangelo sont nés en France depuis 2013, et pas moins de soixante-deux en 2022. L’année 2023 paraît plus timide en ce qui concerne sa production, qui est donc encore jeune – ce qui peut paraître paradoxal pour un vieil étalon – mais où se trouvent sans nul doute de nouvelles pépites.
Photo : Tangelo van de Zuuthoeve. Crédit : Coll.
