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L’Expertise

Tir à l’arc : quels chevaux pour être dans le mille ?

Sylvia Flahaut 17 juin 2023
Il y a quelques jours, la Fédération française d’équitation a dévoilé la liste des cavaliers sélectionnés pour aller défendre les couleurs de notre pays en Mongolie, à l’occasion des championnats du monde de tir à l’arc à cheval, qui se tiendront du 4 au 11 septembre. Une formidable aventure pour ces sportifs, qui se verront prêter des chevaux pour l’échéance.  Mais, si on perçoit à peu près les qualités que doivent présenter chevaux de saut d’obstacles, de concours complet ou de dressage,  quelles sont celles d’un bon cheval pour tirer à l’arc ?  Alan Le Gall, sélectionneur national de la discipline et moniteur diplômé d’Etat, a accepté de répondre à nos questions sur le sujet. 
 
Quelles sont les qualités d’un bon cheval de tir à l’arc ? 
 
Il faut d’abord une très bonne tête, vraiment des chevaux avec un bon caractère, c’est la première chose.  Ensuite, idéalement, il faut un galop plat, sans trop de rebond, et des chevaux qui soient capables d’être réguliers dans leur allure, dans leurs foulées. On recherche généralement des équidés rythmés sur environ cent foulées par minute. Il faut donc une allure assez cadencée, donc des chevaux qui aient de l’équilibre. Quand la cadence correpond au rythme d’encochage de l’archer, on est dans le vrai. 
 
Quelles sont les races prédisposées pour cette discipline ? 
 
A l’inverse de certaines disciplines, tels le dressage, le complet ou le saut d’obstacles, dont les chevaux de haut niveau ont des qualités très spécifiques , des moyens “hors-normes”, qui sont quasiment des exceptions, le tir à l’arc à cheval peut compter sur un plus large panel de chevaux et de races. Arabe, Quarter horse, Paint, cheval barbe, Pur race espagnol, Apaloosa, cheval issus d’un croisement entre cheval et poney… Il y a beaucoup de races qui peuvent correspondre à cette pratique et un réservoir d’équidés finalement très large. 
 
Comment forme-t-on les chevaux de tir à l’arc ? 
 
Tout d’abord, il faut des chevaux qui aient une assez bonne base de dressage, car il y a des épreuves en ligne droite et des épreuves en terrains variés, avec un galop plus ou moins rythmé selon les épreuves. Il faut que les chevaux soient capables d’avoir un galop soutenu et un galop plus restreint, sans changer d’état d’esprit, sans charger… Ensuite, il faut des chevaux qui soient quand même aboutis physiquement et préparés, car l’archer va en quelque sorte “se tortiller” sur leur dos, avec des tirs avant, des tirs arrière.  Tout cela nécessite quand même une bonne préparation physique, un travail d’entretien régulier, pour que le cheval supporte ces mouvements, et le poids de l’archer et de son matériel. Et puis, il faut avoir conscience que l’archer est positionné en équilibre tout le temps, sans tenir ses rênes, pour décocher ses flêches. Il y a donc une grande indépendance des aides et surtout, une connexion avec son cheval qui doit être importante. Le cheval doit particulièrement être à l’écoute de son cavalier et celui-ci doit pouvoir donner des indications avec ses jambes. Il y a donc des codes à mettre en place, et c’est aussi une forme de dressage. 
 
Comment le cheval accepte-t-il le fait d’entendre et de voir des flêches décochées depuis son dos ? 
 
Outre le travail de dressage et de préparation physique dont je parlais un peu avant, il y aussi un vrai travail sur le mental du cheval.  On part d’une base éthologique, avec un travail de désensibilisation du cheval. A l’inverse de certains cavaliers qui sont en possession de leurs rênes et qui peuvent contraindre leurs chevaux, un archer, qui n’a pas ses rênes en main, doit pouvoir compter sur son cheval et prévoir ses réactions. Et cela, ça se travaille également. Le tir à l’arc à cheval est au carrefour du travail éthologique et de l’équitation classique. Il y a une forme de comunication très fine entre le cheval et son archer, qui passe par les mollets, les cuisses, l’assiette. Nous sommes d’ailleurs la seule discipline ou les archers peuvent concourir en cordelette, car on ne contraint pas sa monture. On ne le peut pas ! Quant au bruit de la flêche qui part ou qui vient se planter dans la cible, c’est aussi une affaire d’acclimatation, de travail éthologique. Mais d’où la nécessité d’avoir des chevaux avec une bonne tête au départ. 
 
N’est-il pas compliqué de ne pas avoir son propre cheval le jour des championnats ? 
 
Dans la discipline, on fait peu voyager les chevaux, pour éviter justement de leur imposer de grands transports. Même si c’est l’archer qui est le premier responsable de sa performance et que le cheval en est un vecteur, nous avons au sein de notre petite communauté un très grand respect pour les chevaux : on ne leur impose pas de longs trajets, la plupart vit au pré et on n’enferme généralement pas nos potes dans neuf mètres carrés… Alors nous sommes plutôt habitués au fait de ne pas concourir avec nos propres chevaux. Cependant, avant chaque grande compétition, les archers remplissent des formulaires où ils mentionnenent leur taille, leur poids, leur niveau d’équitation et leurs attentes, afin que l’organisateur puisse faire des choix pertinents.  On commence à tous bien se connaître, y compris à l’international, cela permet de savoir quelles sont les bonnes combinaisons et quel cheval adresser à tel cavalier. Et puis il y a toujours quelques essais et heures d’acclimatation chevaux/archers avant la compétition.
 
L’équipe de France se compose ainsi de Jules Boisson (Écuries de l’Aubrée (17) – Junior),  Youn Le Gall (Domaine de Gauchoux (87) – Senior), de Raphaël Malet (Centre équestre du pays beaumontois (24) – Junior) et de Chloé Simons (Ferme équestre Hantayo (47) – Junior).   Quant à Gaétan Blot (Centre équestre du vieux château (41) – Jeune cavalier) et Rachel Bethoulière Recoussine (Ferme équestre Hantayo (47) – Junior), ils prendront également la route de Ulaanbaatar pour défendre les couleurs françaises en individuel. Pour rappel,  lors des derniers championnats du monde en 2018, la France avait glané trois médailles, l’argent par équipe, et le bronze en individuel chez les Juniors et Seniors.  À noter également que les quatre cavaliers sélectionnés dans l’équipe de France ont obtenu l’or collectif aux championnats d’Europe 2022 et peuvent tous prétendre à un classement en individuel. 
 
Photo : le tir à l’arc à cheval exige des chevaux bien préparés physiquement et une grande connexion entre archer et cheval. Crédit : Coll.  Alan Le Gall