Saut en liberté et saut monté : comment bien préparer son jeune cheval ?
La saison des concours d’élevage approche à grands pas et la période de préparation des (très) jeunes chevaux ne va pas tarder, elle aussi, à débuter. Mais comment bien les préparer pour les épreuves de modèle, allures et saut ? Réponses avec Laurent Vignaud et Patrick Pratlong, dans le podcast “Parlons Cheval” de l’IFCE.
Après la présentation du modèle et des allures, lors d’un concours d’élevage, les jeunes chevaux sont amenés à s’illustrer lors d’un dernier test : celui du saut, en liberté et/ou monté. Comme le rappelle Patrick Pratlong, écuyer du Cadre noir de Saumur, responsable des moyens équestres à l’IFCE et juge national du stud-book Selle Français, sur ce type de test, les notes se basent sur quatre critères essentiels : l’équilibre, les moyens, le style et le comportement. “L’idée est d’évaluer le potentiel du cheval”, souligne Laurent Vignaud.
Critères et sous-critères d’évaluation
“Concernant l’équilibre, nous recherchons un cheval qui se propulse et qui tient son corps en permanence, c’est-à-dire dans les tournants avant l’obstacle, à l’abord et à la réception, où il doit reprendre le galop le plus aisément possible. Nous allons également regarder la manière dont le cheval prend en compte l’obstacle à son abord”, explique Patrick Pratlong.
Pour la partie consacrée aux moyens du jeune cheval, trois sous-critères ont également été définis : avoir une poussée optimale et symétrique des deux postérieurs (ce qui va lui permettre de “pousser en ligne vers le haut et vers l’avant”, comme le précise Patrick Pratlong), prendre de la hauteur sans excès et avoir de la trajectoire (“une parabole symétrique malgré la largeur et la hauteur de l’obstacle”).
Quant au style, les juges vont surtout s’attacher à la manière dont le jeune cheval saute l’obstacle. “Nous allons regarder comment il s’y prend pour sauter et, une fois qu’il est au planer, comment il gère son corps dans l’espace”, souligne l’écuyer et juge. Là encore, trois sous-critères sont pris en compte : la façon dont le cheval monte son garrot (qui doit être le point le plus haut) et ses genoux (ce qui va souligner une certaine liberté d’épaule), ainsi que la manière dont il s’articule sur le saut (le cheval doit avoir suffisamment de force et de souplesse pour dégager ses postérieurs et ne pas toucher l’obstacle). Sur ce dernier point, Patrick Pratlong précise : “C’est ce que l’on appelle le passage de dos, qui est extrêmement important aujourd’hui”.
De l’importance du mental
Dernier critère et non des moindres : le comportement. Car, comme le précise l’écuyer et juge, “un cheval peut avoir le plus beau modèle de la terre, la meilleure locomotion qui soit et des moyens hors du commun, s’il n’a pas un bon mental, son comportement va aller dans le même sens et tout ce qu’il a de positif va se transformer en point négatif. On ne peut pas demander à un cheval de faire du haut niveau s’il n’a pas un mental de guerrier, équilibré, grâce auquel il sait différencier les types d’obstacles et s’y adapter”. Trois signes vont notamment prouver le bon comportement d’un jeune cheval et être observés par les juges : l’énergie (sans tomber dans l’énervement), le respect et l’envie de bien faire. “Un cheval peut faire une très grosse faute sur un saut et renverser l’obstacle, si les fois suivantes il a pris cela en compte et essaie de s’améliorer, le jury ne lui mettra pas de point négatif”, affirme Patrick Pratlong.
Dix sauts pour prouver son potentiel
Tout comme lors du test consacré aux allures, pour celui du saut en liberté, l’éleveur est tout d’abord invité à présenter l’environnement au jeune cheval en lui faisant faire un tour de la piste et en l’amenant face à un obstacle afin de lui faire sentir et regarder ce dernier. Cela, pour qu’il ne soit pas effrayé. Là encore, il est évidemment préférable que le jeune cheval ne soit pas dans la découverte et que ce type de dispositif lui ait déjà été présenté en amont, à la maison. “Puis, le cavalier/éleveur fait demi-tour et les hommes de piste prennent en charge le cheval et le font sauter”, explique Patrick Pratlong, qui ne manque pas de souligner le professionnalisme de ces équipes de rond. Une dizaine de sauts est ensuite réalisée par le cheval, sur des hauteurs progressives. “Les distances et les hauteurs sont les mêmes pour tous les chevaux. Cela permet d’observer leur amplitude et leurs moyens”, précise l’écuyer et juge.
Quant au saut monté, l’organisation est similaire à celle du test dédié aux allures montées : les chevaux sont présentés par deux et effectuent un petit parcours imposé. Ce dernier est “facile et avec de grandes distances entre les obstacles, ce qui permet de voir le comportement du cheval, c’est-à-dire s’il a envie d’aller vers l’obstacle, s’il a confiance, ainsi que ses moyens”, comme l’explique Patrick Pratlong avant d’ajouter que sur le test du saut monté, les chevaux ne sautent jamais aussi haut qu’en liberté “parce que le poids du cavalier peut les gêner et perturber”. Objectif : observer la manière dont les chevaux sautent et s’adaptent en répétant plusieurs fois leurs sauts. “Est-ce qu’ils s’en désintéressent au bout d’un moment et vont ainsi commettre des fautes ? Ou est-ce que le mental entre en compte, que les chevaux ont envie de bien faire et s’améliorent de saut en saut ? C’est ce que nous regardons.”
Bien se préparer
Comme pour les deux autres ateliers, Patrick Pratlong conseille de préparer les chevaux en amont. Pour celui du saut monté, l’écuyer et juge propose de “les emmener à l’extérieur une ou deux fois afin qu’ils découvrent, sur une piste différente, des éléments qui pourraient les perturber et qu’ils s’y habituent”. Les chevaux doivent être en confiance, sur la main et, dernier point mais pas le moins important, bien toilettés.
Concernant le saut en liberté, ils doivent avoir gardé un peu de fraîcheur. “L’idéal est, trois ou quatre jours avant le concours, de les oxygéner, les laisser se détendre et leur faire voir autre chose que des barres pour qu’ils soient frais le jour J, avec l’œil pétillant”.
Le cheval idéal
Pour résumer les nombreuses attentes des juges sur ce test du saut, Patrick Pratlong décrit ce qui, selon lui, est le cheval idéal. “Il doit être moderne, donc fin et aérien, avec un beau modèle, c’est-à-dire porteur et qui donne envie de monter, avec des qualités de souplesse, de force, d’équilibre et d’énergie importantes, ainsi qu’un bon mental.” Mais comme le rappelle l’écuyer et juge, le cheval idéal est aussi à définir à travers la perspective du couple. “Parfois, il y a des chevaux qui ont des défauts physiques mais qui font une très belle carrière parce qu’ils ont trouvé le bon partenaire.”
Photo : Kasallito des Forêts, ici lors du championnat des mâles de 2 ans du stud-book Selle Français. Crédit : Les Garennes.