SOS, recherche poulinière d’urgence – Partie 1
Certains poulinages connaissent malheureusement une triste issue : de tout jeunes poulains perdent leur mère ou sont trop faibles pour survivre après leur naissance. Des éleveurs mettent alors tout en œuvre pour trouver une issue moins tragique à la situation, en se mettant en quête d’une maman adoptive ou d’un poulain à sauver. Pour les y aider, des structures spécifiques et des outils existent.
Depuis qu’elle s’est spécialisée dans l’adoption de poulains il y a une quinzaine d’années, Bénédicte Barrier a vu passer près de 1 000 individus en quête d’une maman. Et se félicite aujourd’hui d’afficher 100 % de réussite dans l’association poulains/nourrices. Mais ce chiffre ne serait pas si élevé si Bénédicte ne se pliait pas, depuis toutes ces années, à un processus très rigoureux, ne comptant pas ses heures pour permettre aux tout jeunes chevaux de trouver une mère accueillante et de vivre leurs premiers mois de vie un peu plus sereinement que leurs premiers jours. « Notre activité relève de la néonatalité », indique celle qui est à la tête de l’élevage du Banco, installé au haras de la Cour du Chasseur, sur la commune du Pin-au-Haras (61). « Je suis prestataire pour Equitechnic et je dispose aujourd’hui d’un cheptel de soixante-dix juments environ. Equitechnic possède de nombreuses juments porteuses. En général, lorsque celles-ci prennent un peu d’âge ou ne sont plus aptes à recevoir un embryon, elles intègrent le troupeau des nourrices. Ce sont en majorité des trotteuses, mais il y a aussi quelques Selle Français. Elles ont été manipulées et nous les connaissons bien. » Dès le mois de novembre, certaines sont mises sous lumière artificielle afin de déclencher leur cycle. « Nous sommes susceptibles de devoir répondre à la demande des éleveurs en matière d’adoption dès le mois de janvier, notamment chez les Pur-sang, dont les juments mettent bas plus tôt. Et d’avoir déjà des nourrices de disponibles. »
Un suivi rigoureux et des centaines de biberons
Au haras de la Cour du Chasseur arrivent régulièrement des poulains de toute la France. La fréquence peut varier. « Nous pouvons en accueillir cinq coup sur coup, puis rien pendant une semaine », poursuit Bénédicte. « Mais il faut avoir des juments disponibles en permanence. » Lorsque les poulains arrivent au haras, ils sont généralement nourris au biberon pendant une ou deux journées avant l’adoption. « Il faut ensuite continuer à les nourrir au biberon quelques jours, le temps que le processus de lactation s’active chez la nourrice et qu’elle puisse donner à manger en quantité suffisante au petit. »
Chez Bénédicte Barrier, chaque poulain est attentivement observé, chaque situation scrupuleusement encadrée. Les poulains sont pesés tous les matins, afin de connaître leurs besoins alimentaires et la progression de leur courbe de poids. Ils font également l’objet d’une visite vétérinaire complète à leur arrivée. « Ils subissent un test Snap foal, destiné à déterminer leur statut immunitaire », indique l’éleveuse. « Cela nous permet de connaître les états de santé des poulains et de leur faire éventuellement passer des poches de plasma, qui amènent les anticorps nécessaires. »
Le 27 mai 2022, Bénédicte Barrier avait déjà accueilli pas moins de soixante-dix poulains à l’adoption. « Le suivi doit être très sérieux, tous les poulains ont des fiches. » La dose de travail est conséquente, mais Bénédicte refuse de s’entourer d’une équipe trop importante. « J’ai remarqué qu’avec trop de monde, la rigueur était moins de mise. On pense parfois que l’autre va se charger de la tâche, et finalement ce n’est pas fait. Je ne peux pas me permettre qu’un salarié ou un apprenti passe à côté d’un poulain pas très en forme. Je préfère m’en charger moi-même parce que je connais les processus et que je vois de suite quand quelque chose ne va pas. » Autant dire que Bénédicte Barrier ne compte pas ses heures : elle se charge des biberons de huit heures à minuit, tandis que son conjoint prend les service de deux, quatre et six heures du matin. « De janvier à juillet, il vaut mieux ne pas compter ses heures ! »
« Nous ne sommes rien pour eux »
Avec une expérience qui lui permet de remédier avec justesse aux différentes situations, Bénédicte Barrier ne force jamais une situation. « Nous avons 80 % de juments qui ont déjà adopté un poulain, et 20 % de nouvelles adoptantes », explique-t-elle. « Quand on teste une nouvelle jument, on en a systématiquement une expérimentée sous le coude, au cas où la tentative d’adoption n’aboutirait pas. On ne contraint jamais une jument à adopter un jeune. Parce que si on est dans la contrainte, ça ne fonctionnera pas. »
Mais la nature, aidée par le savoir-faire humain, fait bien les choses, et lorsqu’un poulain retrouve une mère, c’est la plus belle des récompenses pour Bénédicte Barrier. « En moins de quinze minutes, le poulain est en saut de mouton autour de sa nourrice, son comportement change du tout au tout. On ne peut pas priver un jeune d’une mère et le nourrir soi-même au biberon puis au seau, il lui manquera toujours quelque chose. Il faut se dire que nous ne sommes rien pour eux à cet âge-là et que leur repère, c’est un de leur semblable. Nous n’avons pas les codes pour nous substituer à leur mère, qu’elle soit biologique ou adoptive. Quand on voit qu’au bout de deux jours, le poulain commence à grappiller du foin pour faire comme sa mère, on se dit qu’il y a des besoins biologiques et comportementaux, avec des mécanismes mimétiques qui se mettent en place et qui sont primordiaux dans le bon développement des jeunes. »
Après adoption, Bénédicte Barrier garde poulain et mère adoptive une quinzaine de jours, puis, si tout va bien, les éleveurs retrouvent leur jeune et les accueillent avec leur nouvelle maman. « Les nourrices reviennent ensuite à la maison au sevrage, généralement en septembre, octobre ou novembre. »
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Photo : Pixabay.