Tir à l’arc à cheval : la formidable épopée tricolore
Début septembre, en Mongolie, l’équipe de France a été sacrée championne du monde de tir à l’arc à cheval. Les Bleus, sous la houlette d’Alan le Gall, sélectionneur national, ont vécu une formidable aventure sportive et humaine au cœur du berceau de la discipline. Retour sur une épopée fabuleuse que la délégation française n’est pas près d’oublier.
Si le tir à l’arc à cheval est une discipline équestre reconnue, au même titre que le saut d’obstacles ou le dressage, sa culture et sa pratique semblent bien différentes de ses cousines occidentales. “Je pense que l’on peut dire que le tir à l’arc est une discipline très internationale, qui se pratique aux quatre coins du monde”, pointe Alan le Gall, sélectionneur national. “Par rapport aux trois disciplines olympiques, par exemple, qui s’organisent majoritairement en Occident, le tir à l’arc est présent au Moyen-Orient, en Orient, en Océanie et en Europe. Il se pratique en Chine, en Malaisie, en Indonésie, au Japon, en Corée… Cela fait partie intégrante de la culture de certains pays, dont l’histoire est liée au cheval. En termes de partage et de découverte, c’est une ouverture incroyable. Dans cette discipline, on a la chance de se confronter au monde entier et de faire des rencontres de personnes vivant réellement à des milliers de kilomètres de nous.”
En septembre 2023, c’est en Mongolie, berceau de la discipline, qu’ont eu lieu les championnats du monde de tir à l’arc à cheval. La première édition de ce rendez-vous avait eu lieu en Hongrie, en 2018, où la France avait décroché l’argent, derrière les Hongrois. Puis, deux championnats d’Europe se sont ensuite enchaînés, en 2019 et 2022, lors desquels les Tricolores se sont emparés du titre.
Une année de préparation, pas moins
“Pour la Mongolie, nous savions que nous avions une vraie carte à jouer”, affirme le sélectionneur national. “L’objectif était la médaille en équipe. Et forcément d’autres en individuel, car nous avons un vrai vivier de bons archers. Cela fait un an qu’on se prépare. Nous sommes notamment allés nous entraîner en Turquie, pour nous mettre en situation, nous avons suivi un stage de préparation physique avec Manon Moutinho à Saumur, et les derniers championnats d’Europe nous ont servis de répétition générale.” Le 31 août, Alan le Gall et Jaouad Boustani, conseiller technique, ainsi que les six cavaliers sélectionnés pour le rendez-vous, Jules Boisson, Youn Le Gall, Raphaël Malet, Chloé Simons, Gaétan Blot et Rachel Bethoulière Recoussine, avec quelques-uns de leurs parents, ont décollé de Paris pour rejoindre la capitale de la Mongolie, Ulaanbaatar. “Nous sommes arrivés à 3h30 heure locale, une petite semaine avant le démarrage de la compétition”, explique Alan le Gall. “Pour permettre à l’équipe de bien s’acclimater, nous avons occupé pendant plusieurs jours un camp à l’extérieur d’Ulaanbaatar, composé de yourtes et situé à 1h30 du lieu de compétition. Grâce aux contacts que j’ai sur place, ayant organisé des voyages en Mongolie pendant plusieurs années, nous avons pu louer de petits chevaux mongols. Huit chevaux nous ont ainsi été confiés par leurs éleveurs, et chaque membre de l’équipe a pu trouver celui qui lui convenait et nouer une relation de confiance avec lui. Les éleveurs mongols étaient d’ailleurs assez étonnés de voir la façon dont les cavaliers considéraient les chevaux, et la relation qu’ils cherchaient à tisser avec eux.”
De fantastiques petits chevaux mongols
C’est donc grâce à ces petits chevaux mongols que les Tricolores ont signé leurs performances. Des chevaux courageux et atypiques, que les Français ont pris beaucoup de plaisir à découvrir. “Ce sont des chevaux qui mesurent environ 1,35/1,40 mètre au garrot, avec une toute petite encolure, endurants, qui galopent à plat”, détaille le sélectionneur. “Ils sont rapides et intelligents, ils n’avaient jamais fait de tir à l’arc auparavant. Ils ont tout de suite compris ce qu’on attendait d’eux. En Mongolie, ces chevaux sont l’ancêtre des mobylettes, ils sont beaucoup utilisés, ils passent partout et surtout, ils sont extrêmement généreux. Leur caractère a tout de suite collé avec les cavaliers français. Que ce soit avec ces chevaux ou avec les éleveurs, on a fait de très belles rencontres. Tant et si bien que, à la fin du championnat, les propriétaires ont organisé une petite cérémonie d’au revoir lors de laquelle ils ont fait don de leurs chevaux aux cavaliers français. Bien sûr, ces derniers ne les ont pas ramenés en France, mais la symbolique était très belle.”
Ayant trouvé de la complicité avec leurs chevaux, les Français ont donc brillé sur les trois épreuves, qui ont donné lieu au classement par équipes. “Ce fut assez serré car les cavaliers mongols n’étaient pas là pour rigoler”, poursuit Alan le Gall. “Pour ma part, j’attendais plutôt le Kazakhstan, mais la Mongolie, qui jouait à domicile, m’a beaucoup surpris : ils ont fait preuve d’une très belle technique et avaient un équipement de pointe.” La Mongolie finit d’ailleurs sur la deuxième marche du podium collectif, devant le Kazakhstan. “Cette année, on peut dire que ça a été un championnat assez restreint, du fait du lieu : par économie, certaines nations ont fait le choix de ne pas se déplacer. Et puis, avec la guerre en Ukraine et la proximité de la Russie avec la Mongolie, certains pays, à l’instar des pays nordiques tels la Finlande ou la Norvège, ont également préféré rester chez eux. Vingt-et-une nations étaient ainsi représentées.”
Trois épreuves au programme et un contrat rempli
Parmi les trois épreuves au programme, la tower, la raid et la chasse. Dans la première, trois cibles se trouvent sur les trois face d’une tour et les cavaliers effectuent maximum six passages, en ligne droite sur quatre-vingt-dix mètres, et tirent autant de flèches que possible pendant dix-huit secondes maximum. Dans cette épreuve, Chloé Simons (en selle sur Tsagaan), Raphael Malet (avec Buural Khalzan) et Youn Le Gall (avec Khaltar Mori) prennent respectivement la tête dans les catégories Juniors, Jeunes cavaliers et Seniors. Rachel Bethoulières Recoussine (et Khonger Khalzan) est quatrième chez les Juniors, Jules Boisson (sur Bori) est deuxième chez les Jeunes cavaliers et Gaétan Blot (sur Bor Mori) est troisième chez les Seniors. Dans la Raid, où les cavaliers doivent tirer une flèche par cible, toujours en ligne droite, avec un nombre différent de cibles selon les passages, Chloe prend une quatrième place en Juniors, tandis que Raphaël et Jules sont deuxième et quatrième chez les Jeunes cavaliers. Enfin, l’épreuve de chasse, épreuve reine de la discipline, qui se court en terrain varié, avec dix-sept situations de tir sur 1200 mètres, exige des cavaliers qu’ils tirent en avant, en arrière ou encore au sol, afin de démontrer toute leur habileté. Chez les Juniors, Chloé Simons remporte l’épreuve, tout comme Raphaël Malet chez les Jeunes cavaliers. Dans cette même catégorie, Jules Boisson prend la deuxième place. Gaétan Blot termine quant à lui à la cinquième place chez les Seniors.
L’objectif est ainsi parfaitement rempli pour Alan le Gall, rentré de Mongolie fatigué mais heureux. Sacrée championne du monde en équipe, la France décroche également de belles médailles en individuel. L’or, tout d’abord pour Chloé Simons, championne du monde Juniors, et pour Raphaël Malet, champion du monde Jeunes cavaliers. Mais Jules Boisson est en argent chez les Jeunes cavaliers, comme Gaétan Blot chez les Séniors. Enfin, Rachel Bethoulières Recoussine est médaillée de bronze en catégorie Juniors.
Une jeune équipe qui impressionne
“Lorsque l’on est arrivés aux championnats, les participants mongols ont été un peu étonnés de la jeunesse des archers tricolores”, se remémore le sélectionneur. “Je crois qu’ils les ont pris pour des gamins. C’est vrai que nous étions l’une des seules équipes à compter autant de jeunes cavaliers. Mais, très vite, les Mongols ont revu leur jugement et se sont sans doute dit qu’il fallait se méfier des gamins ! Il ne faut pas oublier que dans le tir à l’arc à cheval, contrairement à d’autres disciplines équestres, le cheval est un élément facilitant de la performance, mais pas l’élément majeur, qui reste l’archer. Sa précision, sa technique, il ne peut les obtenir qu’avec des heures et des heures de travail, et une bonne forme physique. L’archer est un athlète, qui doit veiller à sa préparation et à sa manière de faire. L’âge est lié à la forme physique : à dix-sept ans, vous n’avez pas le même physique qu’à cinquante ans, ni un temps de réaction similaire. L’âge est un critère que j’ai pris en compte dans mes choix. La taille a également été prise en compte : je savais que les archers, en Mongolie, allaient devoir chevaucher de petits équidés. Je ne pouvais pas sélectionner des archers qui mesurent 1,90 mètre, ils n’auraient pas été stables…”
Au-delà d’un résultat espéré, mais qui satisfait tout de même staff et athlètes, Alan le Gall assure que ce voyage en Mongolie n’est pas près d’être oublié par les participants. “Cela a été un partage culturel incroyable. Lorsque la compétition se terminait, chaque jour, nous passions nos soirées à échanger avec les représentants des autres nations. Nous avons tous appris des choses et sommes repartis avec beaucoup de belles images en tête, des échanges et des discussions qui resteront dans nos esprits, et des émotions indescriptibles.”