Axelle Lagoubie et Romain Bourdoncle, une Tip Top association
Accumulant les classements, Axelle Lagoubie, trente-cinq ans, réalise une superbe saison 2023, tantôt sur le circuit du Grand National, tantôt en CSI2 ou 3*. Derrière les succès de la cavalière, une collaboration datant de plusieurs années, au sein de laquelle Axelle et Romain Bourdoncle ont chacun leur place.
“Je suis arrivé en Normandie en 1983“, se remémore Romain Bourdoncle, soixante-deux ans à la fin du mois. “J’ai commencé avec quelques jeunes chevaux confiés, j’en avais trois en finale à Fontainebleau en 1984. Entre 1986 et 1990, j’ai posé mes valises à la Haye-Pesnel, au sein d’une écurie de trotteurs où je louais des boxes. Ensuite, je suis arrivé à la ferme des Polders, à Céaux (50). A chaque fois, je manquais un peu de place pour les chevaux que je recevais au travail ! J’ai eu un temps cette écurie et celle où je suis actuellement, en Baie du Mont Saint-Michel. J’ai revendu la première en 2011 à cause de la loi Littoral, qui m’empêchait d’y faire quoi que ce soit.”
Entretemps, Romain Bourdoncle, réputé en tant que marchand de chevaux et cavalier, a été contacté par l’une de ses connaissances, Stéphane Perron, entraîneur d’équitation dans la région bordelaise. “Stéphane cherchait un cheval pour l’une de ses élèves, qui était Axelle. Je lui ai alors vendu Lana d’Orval (Gunter d’l’herbage).” La première vraie jument de concours d’Axelle, avec laquelle elle évoluera par la suite en Grands Prix 135-140. “Pour une première, c’était une très bonne pioche“, reconnaît Axelle qui, de son côté, a suivi une année de BTS comptabilité. “Le cheval, c’était ma passion, il n’y avait que ça qui comptait. Je savais très bien que je voulais me professionnaliser dans le milieu équestre et devenir cavalière. Mais mes parents ont quand même tenu à ce que je suive des études. J’ai fait une année…” Formée dans un premier temps par Stéphane Perron, qui lui apporte de bonnes bases et de la rigueur, Axelle arrive par la suite, en 2007, chez Romain Bourdoncle.
Les premiers mois au sein des écuries de Romain Bourdoncle sont difficiles pour Axelle. “Je pleurais tous les jours parce que c’était éreintant“, indique la cavalière. “Mais j’étais à fond dedans, je voulais devenir professionnelle et il était hors de question que je jette l’éponge.” La passion chevillée au corps, c’est d’ailleurs ce qui unit Romain et Axelle : “quand on se lève le matin, il n’y a pas de secret, il faut avoir envie“, pointe Romain. “Ce n’est pas en travaillant trente-cinq heures par semaine qu’on arrive à quelque chose. C’est en travaillant cent heures, et dans le bon sens.”
Alors, Axelle serre les dents et se rend indispensable. Et, peu à peu, trouve sa place. “En 2009, je suis devenue salariée et j’ai commencé à monter certains chevaux de propriétaires“, poursuit la cavalière. “Quand je suis arrivée chez Romain, je faisais de l’Amateur Elite. Je n’avais aucune expérience avec les jeunes chevaux par exemple. Mais Romain m’a formée, j’ai recommencé certaines choses à la base.” Parmi les montures qui lui sont confiées, la jument Rubelia (Burgraaf, Holst), née chez Bernard Leport, un partenaire fidèle de Romain Bourdoncle. “J’ai commencé les Cycles classiques quatre ans avec elle, et puis nous avons évolué ensemble. J’ai fait mes premières épreuves de 7 ans. On s’est faites ensemble. C’est une jument qui m’a beaucoup marquée.” En 2014, le couple remporte le championnat des Cavalières à Fontainebleau, et en finit troisième en 2015.
Axelle continue de progresser et monte beaucoup de chevaux, notamment des jeunes. “Toutes les performances que j’ai pu réaliser dans ma carrière sont en très grande partie grâce à Romain“, indique Axelle. “Il m’a appris beaucoup, c’est un véritable homme de cheval et il est toujours positif. C’est d’ailleurs un vrai plus en compétition : il m’arrive de douter et je n’ose pas toujours faire certaines choses. Romain me dit trois mots et c’est reparti.”
De son côté, Romain indique qu’Axelle a un véritable esprit de compétition. “Elle a un esprit de gagneuse. Et aujourd’hui, nous sommes dans un système qui fonctionne bien. Nous avons des partenaires avec qui nous travaillons en confiance, et on prend le temps avec les chevaux. Nous sommes bien organisés, avec des plannings et un programme de travail propre à chaque cheval“, évoque Romain Bourdoncle. “Il y a quarante ans que je fabrique des chevaux, j’aime qu’on prenne le temps. Vous ne me verrez sûrement pas arriver à la Grande Semaine avec un camion de quinze chevaux… J’en ai eu jusqu’à cent soixante, mais je fais désormais a minima. Notre but, c’est de gagner notre vie en nous faisant plaisir en concours. Axelle a un côté très sport, et donc valorisation. Pour ma part, je prends souvent ma voiture pour aller en déplacement dans des écuries. En concours, ce n’est pas en restant dans son camion qu’on fait du commerce : il faut aller au-devant des gens, leur parler. Le contact, c’est tout aussi important.”
Un piquet bien fourni
Après avoir monté beaucoup de jeunes chevaux en concours, Axelle a peu à peu gravi les échelons et a commencé à participer à de belles épreuves. Aujourd’hui, elle dispose de plusieurs montures pour évoluer en épreuves 145 – 155. “Mon cheval de tête est Denfer de la Folie (Numéro Uno, Kwpn), qui a été acheté à cinq ans“, indique Axelle. “Il saute très bien, mais j’ai eu du mal avec, on a eu des hauts et des bas. Il était assez inquiet et nous avons du faire preuve de beaucoup de patience. En mai dernier, il s’est notamment classé cinquième d’une épreuve 155 à Canteleu. Et je pense qu’il en a encore sous le pied.” Axelle dispose également de Chacco Belle (Chacco Blue, Meckl), dix ans, propriété de Laurent Elias, qu’elle juge “prometteuse”, ainsi que de Chistera Mail (Lando), gagnante de la Pro 145 Vitesse à Deauville le week-end dernier. “Chistera a été ma jument de tête pendant une année, elle est très compétitive.“
Et puis, parmi ses montures, celui qu’elle juge “le meilleur de tous” est Freedom du Feu (Unesco du Feu), étalon de huit ans. “Je n’ai pas beaucoup monté de chevaux comme lui, il a un super potentiel et nous essayons de le préserver au maximum.” Si Axelle indique que sa personnalité et celle de Romain sont complémentaires dans l’entraînement des chevaux, elle indique aussi que la méthode de travail compte beaucoup. “Nous prenons le temps avec les chevaux et la gestion de leur mental a une vraie importance“, explique-t-elle. “Les chevaux sont souvent dehors, ils vont tous les jours au paddock.“
Si Axelle est aujourd’hui bien équipée pour faire de belles épreuves, elle sait cependant que les lois du commerce, quand on est professionnel, sont parfois au-dessus de celles du sport. “Tous nos chevaux sont à vendre“, indique-t-elle. “Avec Romain, notre objectif est de les amener doucement à leur meilleur niveau, afin de les commercialiser.” Mais Romain Bourdoncle, qui vend tant des chevaux pour le haut niveau que destinés à une clientèle d’amateurs, parvient à équilibrer les deux activités et à conserver des chevaux pour lui et pour Axelle. Mais cette dernière est prudente et ne court pas après le dernier pallier du sport de haut niveau. “Pour accéder à des sélections en équipe de France, il faut un système particulier, avec l’assurance que son cheval de tête ne soit pas vendu. Avec Romain, nous ne sommes pas dans ce cadre là. Bien sûr, je ne suis pas fermée au fait d’évoluer encore. Après Rubelia, je ne pensais plus jamais faire de Grands Prix, ni tourner sur de belles épreuves. Et puis, finalement, on retrouve toujours des chevaux. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir faire de beaux concours. J’aimerais peut-être réduire un peu les parcours avec les jeunes chevaux, pour me concentrer sur ces plus belles épreuves.” Le système de Romain Bourdoncle et d’Axelle Lagoubie semble en tout cas porter ses fruits. Ce n’est sans doute pas pour rien que sa société se nomme Tip Top Cheval…