Le dérèglement climatique, un enjeu de taille pour la filière équine – Partie 2
C’est un sujet plus que jamais d’actualité. Le dérèglement climatique est aujourd’hui l’un des enjeux principaux de nos sociétés et aura sans nul doute des conséquences sur chacune de nos activités. Y compris celles de la filière équine.
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D’ici quelques années, la vie aux écuries risque d’être différente de ce qu’elle est aujourd’hui, et il en est de même pour les activités des chevaux et cavaliers, et notamment sur le plan sportif. Car le dérèglement climatique ne sera, là non plus, pas sans conséquence. « On peut s’attendre à des décalages ou annulations de certains événements en raison des canicules ou des pluies inhabituelles », souligne Laurent Vignaud dans le podcast “Parlons cheval” de l’IFCE. Des situations qui se font d’ores et déjà de plus en plus courantes, notamment l’été dernier, où nombre d’épreuves ont été reprogrammées plus tôt le matin ou plus tard le soir afin d’éviter les périodes de fortes chaleurs. Cela a aussi été le cas en juillet 2022, lors de la première édition de l’Open Amateur, où les équipes du Pôle européen du cheval du Mans ont été confrontées à de fortes chaleurs et dû adapter le programme à ces circonstances exceptionnelles. « Nous avons essayé autant que possible d’aménager les horaires des épreuves et, surtout, nous avons mis en place sur site des zones de rafraîchissement. Les remises des prix d’épreuves ont été prévues à pied. Nous avons également autorisé les arrivées anticipées afin que les cavaliers profitent des jours les moins chauds ou de rouler de nuit et proposé, sur place, un service de secours pour les personnes présentes sur site », explique Claire Mozat, chargée de la communication du site et interrogée par L’Eperon. Par ailleurs, cet été-là, la Sarthe, comme de nombreux départements français, a aussi été concernée par un arrêté préfectoral interdisant l’utilisation d’eau pour certaines activités. De quoi complexifier encore un peu plus l’organisation d’événements sportifs mais, comme beaucoup d’autres points, les organisateurs de compétition devront certainement s’y habituer. « Comme de nombreux sites nous avons dû réduire notre arrosage, voire l’arrêter totalement à certains moments. Cela rend l’organisation délicate mais il nous faut et nous faudra encore nous adapter aux changements climatiques et à l’évolution de notre sport », ajoute Claire Mozat. D’ailleurs, en ce qui concerne l’arrosage et le fait de s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique, le Pôle européen du cheval a également fait le choix de rénover une partie de ses pistes afin d’y installer un système de sub-irrigation. « Au-delà de la chaleur, la préservation de l’environnement et des réserves en eau se doit d’être au cœur des préoccupations de tous. Nous avons donc rénové la piste Rouge en Toubin Clément avec un système de sub-irrigation en début d’année et nous débutons depuis octobre les travaux pour la piste bleue. Le coût financier de cette opération est très important mais ces aménagements nous semblent indispensables pour l’avenir et la poursuite de notre sport », assure Claire Mozat. Preuve, s’il en fallait une, que le dérèglement climatique a déjà des conséquences sur le sport.
Les déplacements jusqu’à ces événements – qui font d’ailleurs de plus en plus l’objet de questionnements, notamment en raison de l’augmentation des prix des carburants et leur caractère polluant – devront certainement, eux aussi, être repensés. « Le dérèglement climatique aura des conséquences sur les moyens de transport. Il faudra revoir la taille des camions, l’énergie utilisée pour les faire fonctionner, etc. Plus encore, il faudra se poser plus souvent la question suivante : “A-t-on vraiment besoin de transporter des chevaux aussi loin ?”, et donc celle de la re-territorialisation des événements sportifs », précise Agata Rzekęć. Une question qui se pose déjà de plus en plus dans le sport de haut niveau, et notamment au sujet de certains circuits de compétitions où, chaque week-end, chevaux et cavaliers sont amenés à traverser le globe pour s’affronter sur les pistes les plus réputées. Si le bilan sportif y est parfois bon, le bilan carbone est, lui, toujours de plus en plus mauvais. Ainsi, dans un sport aussi internationalisé que l’équitation, il est parfois difficile, pour les professionnels, de repenser leur métier, peut-être seront-ils contraints à le faire dans les années à venir. Même chose pour les grandes institutions, qui devront certainement, dans un avenir proche, repenser les formats, les circuits et les règlements des compétitions pour répondre aux contraintes et conséquences du dérèglement climatique.
Repenser le quotidien
Il est aujourd’hui de la responsabilité de chacun de faire évoluer ses pratiques pour ne pas aggraver la situation. « Dans le temps qui nous est imparti, la sobriété est la seule réponse au dérèglement climatique. Il n’est jamais trop tard pour s’y engager », assure Agata Rzekęć. « La première étape, c’est de prendre conscience que l’on a un impact sur l’environnement et qu’il est nécessaire d’agir. » Et agir, ce n’est pas forcément bannir définitivement certaines pratiques. C’est également repenser son mode de fonctionnement et ses activités. « Il peut être intéressant de travailler sur l’autonomie fourragère en réalisant un bilan des rations, pour qu’elles soient adaptées aux besoins des chevaux et ainsi éviter les excès et gaspillages », explique l’ingénieure agronome. Autre point à repenser : les bâtiments et structures dans lesquels sont hébergés les chevaux. Revoir les conditions d’abreuvement, assurer des points d’ombre dans les pâturages, améliorer la ventilation naturelle… sont tout autant d’aspects auxquels il peut être intéressant de réfléchir pour mieux faire face aux aléas climatiques à venir. « La hausse des températures va avoir une influence sur la santé des chevaux et des cavaliers. Les canicules auront des conséquences sur la vie quotidienne des chevaux. Il va falloir revoir et améliorer les bâtiments pour leur permettre d’être moins touchés par les fortes chaleurs », souligneAgata Rzekęć. Quant aux pâtures, la déspécialisation des espaces agricoles sera peut-être, d’ici peu, un changement à envisager. « Il faudra chercher à lier les cultures et les élevages afin que le fumier puisse, par exemple, fertiliser le sol qui va lui-même contribuer à l’alimentation des chevaux », indique l’ingénieure agronome.
Si certaines mesures peuvent paraître contraignantes, à chacun de faire les gestes qui lui sont accessibles en suivant trois grands principes : éviter (les gaz à effet de serre, les activités polluantes, etc.), réduire (le transport des chevaux, l’utilisation d’eau, etc.) ou compenser (planter des arbres, maximiser les prairies, etc.). Comme cela est répété depuis plusieurs années maintenant, chaque geste compte.