De l’importance d’une bonne détente avec Julia Krajewski et Franck Messialle
Le 27 janvier dernier, à l’occasion de la quinzième édition des Journées du complet, Julia Krajewski, championne olympique de concours complet, et Franck Messialle, vétérinaire, sont intervenus en duo pour une masterclass nommée “Adapter sa détente à son cheval en compétition”. L’occasion de faire le point sur les éléments à ne pas négliger lors de cette partie d’une séance, dont l’importance est parfois sous-estimée.
Pourquoi échauffe-t-on un cheval ? La question peut paraître bête, mais il est pourtant très important de connaître la réponse. “Un cheval bien échauffé augmente son niveau de performance et diminue le risque d’avoir un accident”, explique le vétérinaire Franck Messialle. Et pour qu’un cheval soit bien échauffé, la médecine moderne fait s’accordent sur l’importance de trois phases principales. La première d’entre elles est le réveil musculaire, qui permet “de porter le muscle à une température suffisante très progressivement afin qu’il commence à produire un effort sans déchet ni toxine”. Une phase qui, comme le souligne Franck Messialle, peut être très longue et surtout très variable selon le moment de la journée où il est pratiqué. Le temps consacré à un réveil musculaire ne sera en effet pas le même lorsque le cheval sort du box le matin que lorsqu’il part sur un cross l’après-midi après avoir, le matin, déjà fait du dressage ou du saut d’obstacles. La deuxième phase de l’échauffement se nomme “la mise en charge”. Elle aussi très progressive, elle concerne tous les systèmes du cheval (musculaires, ostéo-articulaires, cardio-vasculaires, pulmonaires, etc.). “Il s’agit d’augmenter progressivement le niveau de l’effort et adapter l’organisme à ce dernier”, indique Franck Messialle. Enfin, la troisième et dernière phase est celle de la “mise en tension”, où l’organisme découvre l’intensité de l’effort à laquelle il va être soumis pendant le reste de la séance ou l’épreuve. “Avant le test de dressage, on va ainsi augmenter l’amplitude et la vitesse d’exécution des mouvements. Avant le test d’hippique, on va augmenter la hauteur des barres et la vitesse. Avant le cross, on augmente la dextérité, la vélocité et la hauteur. C’est ça, la mise en tension”, précise le vétérinaire.
S’adapter
Comme le rappelle Julia Krajewski, une bonne détente va également conditionner tout le travail du cheval, selon l’objectif souhaité. “Si la détente n’est pas adaptée ou pas réalisée correctement, il est très difficile de rattraper certaines choses lors de la phase de travail ou sur une épreuve”, affirme la championne olympique, qui souligne également que chaque détente doit être ultra-personnalisée et doit dépendre de chaque cheval. “Je monte depuis près de vingt-cinq ans maintenant et à chaque fois que je découvre un nouveau cheval ou même avec l’un de ceux que j’ai depuis plusieurs années, j’apprends quelque chose de nouveau, je change mes perspectives, je m’adapte. Je pense qu’avec les chevaux, il est important de toujours réfléchir à une façon de faire mieux, de trouver des solutions, etc. La durée et de l’intensité d’un échauffement, peuvent changer ce que les chevaux vont pouvoir nous donner. Par ailleurs, ils ne nous doivent rien et s’ils ne veulent pas faire quelque chose, cela signifie que nous ne leur avons pas appris ou demandé correctement, ou même qu’ils ne sont pas capables mentalement ou physiquement de le faire.”
Julia Krajewski et Franck Messialle sont d’ailleurs unanimes sur ce sujet : il est primordial d’adapter le travail à chaque cheval. Cela, en fonction de son niveau (ainsi que de celui de son cavalier), mais également de ses caractéristiques physiques et mentales. “Certains chevaux font par exemple preuve d’une plus ou moins légère dissymétrie dans l’une de leurs allures, comme un postérieur qui engage plus qu’un autre. Lors de l’échauffement, l’objectif sera notamment d’assouplir le cheval dans sa ligne du dessus et ainsi le rendre plus symétrique”, explique le vétérinaire. Il est également plutôt commun de voir, lors d’une détente, des chevaux n’allant pas aller chercher le contact. Pour cela, Julia Krajewski conseille de travailler à partit d’une extension de l’encolure pour encourager le cheval à aller vers son mors. “Le travail sur les serpentines est également intéressant pour cela puisqu’elles permettent de travailler aux deux mains.”
Si la détente a principalement pour but d’échauffer le corps du cheval, comme le rappelle la cavalière allemande, il est également important de prêter attention au mental. “Il ne faut pas oublier ni négliger qu’il représente 50% de tout, et notamment de sa façon de comprendre et de réagir.”
Faire évoluer progressivement les exercices
Exercice de base mais aux bienfaits parfois sous-estimés, les transitions sont importantes dans le travail de détente. “Que cela concerne le pas, le trot ou le galop, elles permettent d’engager le cheval, tout en le décontractant”, souligne Julia Krajewski. Même chose pour le travail sur deux pistes. “Il ne faut pas hésiter à faire une grande détente au pas, notamment avec un travail d’épaules en dedans. Cela permet au postérieur de prendre sa place sous la masse, sans vitesse. On va chercher à avoir de l’amplitude et de l’engagement. Les épaules en dedans ont souvent des effets remarquables, également pour délier et faire fonctionner le dos”, indique pour sa part Franck Messialle.
Pour percevoir les bienfaits d’une détente et savoir si cette dernière a, ou non, été bénéfique, Julia Krajewski a d’ailleurs une petite technique : laisser filer ses rênes au trot et voir si son cheval va chercher à étirer de lui-même son encolure vers le bas et garder le contact. “S’il garde le contact, c’est que la détente a été bonne, efficace et bien construite. Si non, c’est que le cheval n’est pas tout à fait prêt à travailler”, précise la cavalière allemande. “Cette attitude vers le bas est également un signe, de la part du cheval, de sérénité et de confiance par rapport à l’environnement dans lequel il évolue.”
Avoir des objectifs, parfois simples
Selon Julia Krajewski, il est également primordial de savoir dans quel but cette détente est réalisée. Est-ce pour ensuite travailler un mouvement en particulier ? Est-ce pour ensuite sauter des obstacles ? Est-ce pour juste faire un peu de stretching ? “Il faut savoir où l’on veut aller et ce que l’on veut faire. Par ailleurs, toutes les détentes ne doivent pas nécessairement se conclure sur des mouvements techniques. Elles peuvent rester très basiques. Il ne faut pas toujours faire des choses compliquées pour faire progresser son cheval. Pour certains chevaux, il s’agira juste de travailler la relaxation ou la concentration. L’important est juste de mettre chaque cheval dans de bonnes dispositions, en fonction de ses besoins, problématiques et objectifs.”