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L’Expertise

À l’automne, gare aux plantes toxiques

Emilie Dupont 16 octobre 2023

La baisse des températures n’est pas la seule à d’ores et déjà annoncer le début de l’automne. L’apparition de certaines plantes dans les prairies indique également un changement de saison, et toutes ne sont malheureusement pas bonnes pour les chevaux. Gilbert Gault, vétérinaire toxicologue, spécialisé dans les plantes toxiques, fait le point sur les trois grandes familles de plantes qui posent problème à l’automne dans la webconférence « Intoxication végétale d’automne chez les équidés » proposée par l’Institut français du cheval et de l’équitation.

La saison estivale est généralement l’une des plus déterminantes. Et pas que sportivement, en raison des nombreux championnats. Elle va également déterminer la qualité des suivantes, notamment dans les prairies. « Les problèmes d’intoxication végétale sont souvent liés à une saison estivale de mauvaise qualité », affirme Gilbert Gault, vétérinaire toxicologue. Une sécheresse ou de fortes pluies peuvent en effet entraîner une pénurie de foin ou d’herbe, et l’intrusion de plantes envahissantes autochtones ou exotiques, parfois toxiques. Il est donc préférable d’avoir l’œil et de savoir repérer celles qui pourraient altérer la santé des chevaux…

Les plantes altérant le comportement

Trois grandes familles de plantes peuvent avoir des effets négatifs sur la santé des chevaux à l’automne. La première d’entre elles est celle des plantes altérant le comportement, dans laquelle se trouve notamment l’espèce Datura stramonium, dont les effets sont hallucinogènes aussi bien chez l’homme que chez les animaux. Plus souvent connue sous les noms trompette du diable, trompette des anges ou pomme du diable, elle est reconnaissable par son aspect épineux et contient une molécule tropanique, qui altère les capacités intellectuelles. « Il existe plusieurs déclinaisons de la Datura mais toutes sont à peu près au même niveau de toxicité », précise Gilbert Gault. Cependant, si ces plantes sont ingérées fraîches, l’intoxication est rare. « Elles dégagent une odeur nauséabonde, qui éloigne autant les humains que les animaux. Chez ces derniers, elle indique le danger et il est donc extrêmement rare de voir des cas d’intoxication avec une plante fraîche de ce type », ajoute le vétérinaire. Cependant, attention, lorsque la plante sèche et a par exemple été transformée en foin ou en ensilage, ou bien qu’elle est restée à faner dans la prairie, ses facteurs de répulsion disparaissent et elle devient dangereuse. « En cas d’intoxication, le comportement du cheval devient totalement anormal. Les hennissements, la démarche, les mictions répétées, la prostration aréactive, l’augmentation du rythme cardiaque, la diminution du rythme respiratoire, et l’apparition de constipations ou de diarrhées sont tout autant d’effets dûs à l’intoxication par ce type de plante. Mais il en est un qui doit tout de suite alerter et faire penser à une intoxication : la sécheresse des muqueuses et la dilatation des pupilles », explique Gilbert Gault. Afin d’éviter ces situations, il est primordial de vérifier et d’identifier les plantes présentes dans ou en bordure de la pâture où se trouvent les chevaux. En cas d’identification d’une plante toxique, « il est important de la supprimer dès la fenaison ou la fructification », souligne le vétérinaire.

Si la Datura est le chef de file de ce type d’intoxication, d’autres plantes peuvent également avoir des effets similaires, comme la jusquiame et la belladonne (qui se trouvent généralement dans les sous bois), ainsi que la solandra (plante ornementale que l’on retrouve dans les régions méditerranéennes).

Datura. Ph. Pixabay.

Les plantes hépatoxiques

Véritable cheffe de file des plantes hépatoxiques – c’est-à-dire celles qui provoquent des insuffisances au niveau du foie –, l’espèce Senecio inaequidens se trouve généralement aux bords des routes. « Cette espèce a la particularité d’être vivace et d’avoir une longue période de développement végétatif », précise Gilbert Gault. Les plantes sont quant à elles assez difficiles à identifier, puisqu’elles prennent toutes la forme de petites marguerites jaunes. Entre celles qui sont toxiques et celles qui ne le sont pas, il n’est pas simple de faire la différence. Pour les repérer, Gilbert Gault conseille d’identifier les buissons avec de multiples petites fleurs jaunes apparaissant généralement au mois de mai et qui finissent de fleurir au mois de décembre. Les Jacobea vulgaris et Senecio vulgaris, qui fleurissent généralement dans les potagers, font également partie des plantes dangereuses pour les chevaux à l’automne.

Senecio inaequidens. Ph. Pixabay.

« Concernant ce type de plantes, l’intoxication n’est pas provoquée par une seule prise. Pour y réagir, les chevaux doivent y être exposés pendant plusieurs jours, voire plusieurs mois. Cependant, lorsque l’intoxication a débuté, elle se fait à bas bruit, c’est-à-dire sans que l’on observe des signes cliniques. L’intoxication est progressive mais souvent mortelle dès que les signes cliniques apparaissent et que le diagnostic la confirme », précise le vétérinaire. Afin d’éviter une telle situation, il est important de bien surveiller les bordures de pâtures. Si de nombreux pieds ont déjà envahi l’espace, il sera nécessaire de restreindre l’accès des chevaux et d’éviter la contamination des fourrages.

Les plantes néphrotoxiques

Parmi les plantes néphrotoxiques – c’est-à-dire qui provoquent des insuffisances rénales – pour les chevaux, se trouvent les oxalis mais, surtout, le gland. « Deux phases d’intoxication sont possibles : une avec les jeunes feuilles printanières, et l’autre, la plus importante, au moment de la chute des glands. Mais plus ces derniers seront verts, et donc immatures, plus ils seront toxiques », souligne Gilbert Gault. Tout comme dans le cas précédent, l’intoxication ne survient pas après une seule prise, mais plutôt au bout de deux ou trois jours. Elle peut cependant être aggravée si le cheval a, au printemps, ingéré de jeunes feuilles et, à l’automne, des glands, les lésions se faisant progressivement et s’aggravant. Concernant l’aspect préventif, Gilbert Gault conseille de « surveiller les conditions météorologiques et de collecter les glands au sol après des événements climatiques brutaux comme le vent et la sécheresse, tout en restant vigilant au sujet des glands encore dans les arbres ».

Gland. Ph. Pixabay.

À noter qu’en cas de suspicion d’intoxication, deux services sont joignables sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre : le CNITV de Lyon et le CAPAE Ouest, qui permettront d’établir un diagnostic et de renseigner sur la toxicité des plantes présentes dans les prairies.

Crédit photo à la une: Pixabay