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L’Expérience

Cendrine Dutrait : « Pérenniser et améliorer les meilleures souches anglo-arabes »

Sylvia Flahaut 10 avril 2023

Passionnée par la génétique dont elle pourrait parler des heures durant, Cendrine Dutrait, à la tête de l’élevage de Buissy, voue son temps à ses protégés et s’efforce de perpétuer et d’optimiser les lignées anglo-arabes avec lesquelles elle travaille depuis plusieurs décennies. 

Combien de poulains faîtes-vous naître par an ? 

J’ai fait une moyenne spécialement pour notre interview, et j’en suis à huit ou neuf chaque année (rires). 

Sur quelles souches maternelles basez-vous votre activité d’élevage ? 

Lorsque nous avons commencé, avec mon ex-conjoint Jean-Bernard Anizan, nous avons sélectionné avec soin nos juments et tenté d’être au plus près, en termes de générations, des meilleures souches de la race anglo-arabe. Je travaille d’abord la souche de Yasmine (Daninos, AA), avec Onde de Maury (Quatar de Plape, AA), sa dernière fille, qui m’a donné Tacticienne de Buissy (Laurier de Here, AA). Egalement dans cette souche, j’ai également les deux filles de Lunedemiel de Buissy, la propre soeur de Fusain du Defey (Phosph’or, AA x Jacinthe du Maury, AA par Fol Avril, AA), Asmara de Buissy (Quatar de Plape, AA) et Iou Too de Buissy (Olala de Buissy, AA). Dans la souche de Yasmine, je dispose notamment de Cookie Blue de Buissy (Cook du Midour, AA) qui, par le biais d’Histoires d’Amours, sa mère, transmet le sang d’Ithuriel, AC (Night and Day, Ps) et de Jacinthe du Maury, elle-même fille de Jasione qui a pour mère Yasmine. Outre cette souche, j’ai également celle de Manuela. J’avais récupéré une propre fille de Manuela (Labrador, Ps), Moon Kiss, une Selle Français. Mais elle était âgée et je l’ai laissée tranquille, elle a profité de sa retraite à la maison. Quelque temps après, M. Bouche-Pillon, de l’élevage du Ruere, a accepté de me vendre une fille de Moon Kiss, donc petite-fille de Manuela : Banuela du Ruere (Gaverdi, AC), qu’Eric Levallois avait tourné avec succès dans les championnats de cinq et six ans. Il a accepté de me la vendre pour le soin que j’avais apporté à Moon Kiss. Il voulait la même chose pour Banuela, que j’ai achetée sans la voir alors qu’elle avait seize ans. J’ai gardé sa dernière fille, Blag Ofstar de Buissy (Quatar de Plape, AA). En termes de souche, j’ai également celle de Pomme AA (Iago C, AA), par le biais de sa fille Chou’Pom, mère d’Astrée de Buissy (Nathan de la Tour, AA). J’ai bien connu Pomme, c’était une excellente reproductrice, et la production d’Astrée se distingue aujourd’hui en complet, en hunter et en saut d’obstacles. Grâce à Electra de Petra (Obéron du Moulin et Excellence, AA par Samuel, AA), je dispose également de la souche anglo d’Eblouie (Magistrat, AA). C’est une souche du domaine de Pompadour, pérennisée par Jacques Grandchamp des Raux. Elara était une véritable métronome en compétition et c’est devenue une excellente poulinière. C’est notamment grâce à Show Biz de Buissy (Quercus du Maury, AA), l’une de ses filles, que je travaille la souche d’Eblouie. Elara m’a notamment donné Visconti de Buissy (Must’Pom, AA) et Rock’n Roll de Buissy (Quercus du Maury, AA), qui évoluent tous les deux au niveau 3* en concours complet. Par le biais d’O Vive (Samuel, AA), j’ai également la souche d’Olga (Djanor, AR), une vieille souche qui a produit des champions à toutes les générations. J’ai gardé deux produits d’O Vive : Nemeraude de Buissy (Ryon d’Anzex, AA) et Shawanda de Buissy (Jivaro de Bacon, AA). Par le biais de Notre Galaxie (Veloce de Favi, AA), j’ai également la souche de Sérénité. Et, enfin, je travaille aussi avec la souche de Carole de Roche (Arlequin, AA), grâce à Robe Dusoir de Buissy (Fusain du Defey, AA), sa petite-fille. Robe Dusoir est la propre sœur de Nathan de la Tour, AA. Je précise que toutes ces souches ont été travaillées avant nous et que nous faisons au mieux pour les pérenniser, en veillant à garder toutes les qualités de l’Anglo. Avancer dans ce travail de sélection pendant plusieurs années est un avantage : j’ai eu les mères et les grands-mères des juments avec lesquelles je travaille actuellement, ce qui me permet d’avoir une bonne connaissance de mes lignées et de les croiser au mieux. 

Avez-vous fait vos choix d’étalons pour cette saison ? 

Alors, pour ma part, je ne fais jamais de plan avant et j’aime voir les poulains de l’année pointer le bout de leur nez avant de me prononcer. Il faut aussi préciser qu’au sein de la race anglo, on tourne un peu en rond en termes de choix d’étalons. Parfois, je vois bien tel étalon pour telle jument, mais il est déjà présent dans son pedigree à une génération trop récente… Mais pour vous donner quand même quelques indications, je pense mettre en 2023 Laurier de Here, AA, un fils de Véloce de Favi, AA, à Iou Too et Cookie, issues de la souche de Yasmine. Quercus du Maury, AA va aller à Notre Galaxie, de la souche de Sérénité. Pour Blag Ofstar, de la souche de Manuela, je pense à Jarnac, Selle Français par Ryon d’Anzex, AA, ou Fusain du Defey, AA. Peut-être bien Jarnac car le croisement Jarnac x Quatar de Plape, AA fonctionne très bien. Pour Nemeraude, de la souche d’Olga, je pense à Fusain. Quant à Tacticienne de Buissy, peut-être que je choisirai Prestige Kalone, AA. Pour tout le reste, je ferai mon choix le jour de l’ovulation de chaque jument, comme c’est souvent le cas (rires) !

Que souhaitez-vous faire ressortir chez vos chevaux ? 

Pour le sport, je cherche nécessairement un modèle, des chevaux faits en montant, avec un dos fort, des jarrets en place et un excellent équilibre. Je veille aussi à garder le bon sang de l’Anglo. Car l’Anglo-arabe est un cheval bien dans sa tête, volontaire, guerrier, pratique. On pense parfois le contraire, à tort ! C’est un excellent cheval pour des cavaliers amateurs. Je fais attention au modèle dans mes croisements et plus particulièrement à garder de la taille. C’est ce qui fait que je m’appuie aujourd’hui sur une jumenterie solide, épaisse, avec de l’os. Enfin, je fais aussi attention au chic. Avec l’Anglo, c’est assez facile, mais j’y veille quand même.

Photo : Cendrine Dutrait et Fusain du Defey, étalon anglo-arabe de bientôt trente ans. Crédit : Coll./Loetitia Gerard.