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L’Expérience

“Des Matis”, le petit élevage au grand succès d’Isabelle Berzinger

Emilie Dupont 26 juin 2023

En s’imposant aux côtés de l’équipe de France dans la Coupe des nations du CSIO3* de Deauville le week-end dernier, Baladin des Matis a évidemment rendu fier son cavalier, Nicolas Delmotte, mais également son éleveuse, Isabelle Berzinger, dont il a été le premier poulain il y a douze ans. Une victoire qui rend l’histoire de l’élevage des Matis encore un peu plus belle qu’elle ne l’est déjà. Rencontre.

Mélange de savoir-faire familial, de passion partagée, de belles surprises et de succès souvent répétés, l’histoire de l’élevage des Matis et de sa fondatrice, Isabelle Berzinger, est inévitablement de celles qui ne laissent pas indifférent. De celles qu’il est toujours un plaisir de découvrir et de raconter. Fille de Ghislaine et Marc Houssin, à la tête de l’élevage de Cheux qu’ils ont fondé en 1978, Isabelle Berzinger a grandi en Normandie, au milieu des chevaux et des photos de son père lors de championnats de France, compétitions internationales et Coupe des nations dans les années 1970. “Mon seul regret c’est qu’à l’époque, j’étais encore trop petite pour garder de vrais souvenirs de ces moments-là”, confie Isabelle. Chaque année, cinq à sept poulains naissaient à Thue-et-Mue (14), que Marc Houssin formait par la suite sur les circuits dédiés. “Il y en a quelques-uns qui ont plutôt très bien tourné”, souligne-t-elle avant de mentionner le nom de la pouliche qui, même si elle ne s’en doutait pas à l’époque, a finalement changé sa vie. “Perle de Cheux (Trésor de Cheux) est née de l’important travail de sélection de mes parents, mais également un peu de mon imagination.” Car c’est Isabelle qui, un jour, a suggéré à son père de croiser l’une des juments phares de l’élevage, Kandy de Cheux (Type d’Elle), à l’étalon maison Trésor de Cheux (Grand Veneur). “Je l’avais prévenu, si c’était une pouliche qui naissait, elle était pour moi”, se souvient l’éleveuse en riant. Le 16 mai 2003, Isabelle a ainsi accueilli sa toute première jument.

Changement de cap

À l’époque, Isabelle était au service des Haras Nationaux à Pompadour en tant que responsable de l’informatisation des stations de monte puis au service identification. Elle est par la suite revenue sur ses terres natales pour exercer en tant que formatrice au sein de la jumenterie du Pin, avant d’être nommée directrice du service de recherche et développement des Haras Nationaux, et continuait à monter sa très chère Perle pour le plaisir, lorsque son emploi du temps le lui permettait. “Je l’ai débourrée puis formée moi-même avant de décider de tout plaquer, fin 2008, et de revenir aux sources en reprenant les terres de mes parents.” Un changement de cap, valable également pour sa jeune protégée alezane, qui a alors débuté une carrière à l’élevage. “Je la connaissais très bien, autant dans sa génétique que dans son caractère. Ça a été tout naturel pour moi de la mettre à l’élevage, je savais qu’avec elle et grâce à mes parents, je partais sur de bonnes bases”, explique l’éleveuse, qui ne s’est assurément pas trompée dans sa réflexion.

Premier poulain, premier succès

En 2010, Isabelle croise ainsi pour la toute première fois Perle de Cheux avec Padock du Plessis. Un choix qui, à l’époque, en a surpris plus d’un. “Je débutais et ne me tournais pas vraiment vers de grands étalons. Lui avait une bonne génétique et je me disais qu’il pouvait bien convenir à ma jument. Mais à cette période-là, Padock n’avait pas vraiment la cote.” Un an plus tard, un certain Baladin des Matis voit ainsi le jour, le tout premier cheval de l’élevage d’Isabelle, qui avait déjà fait naître quelques poneys auparavant. “Il ressemblait beaucoup à un fils de Rantzau que mon père montait dans les années 1960, avec qui il est sorti au niveau international et qui s’appelait Baladin. Quand j’ai vu le poulain, dans ma tête, c’était le même que celui de mon père. Et Perle ayant deux courants de sang de Rantzau dans son pedigree… Le nom était tout trouvé”, se souvient l’éleveuse, qui l’a elle-même débourré puis formé jusqu’à ses six ans. Enfin, plutôt jusqu’à ce que l’alezan tape dans l’œil de Philippe Guerdat, conseillé par Rutherford Latham. “Je n’en revenais pas ! Philippe Guerdat…”, confie-t-elle, encore étonnée. Et Isabelle n’était pas au bout de ses surprises puisque, un mois plus tard, l’actuel chef d’équipe du Brésil revenait chez elle lui acheter le propre frère de Baladin, Calypso. “C’était tout simplement incroyable”. 

Si Baladin était, à six ans, prêt à enchaîner un tour, il n’était cependant encore jamais sorti en compétition. “Rutherford et Philippe ont pris le temps de bien le former, en débutant sur de petites épreuves. Puis, il est passé sous les selles de Steve Guerdat et d’Anthony Bourquard, avant d’être racheté par Laurent Guillet et d’être monté par Nicolas Delmotte et Mégane Moissonnier”, détaille l’éleveuse, qui suit toujours de près les aventures de ses protégés. C’est d’ailleurs sous couleurs françaises que Baladin des Matis a fait ses débuts au plus haut niveau, à Saint-Tropez tout d’abord, puis à Genève, La Baule avant, l’an dernier, de fouler la mythique piste d’Aix-la-Chapelle et, le week-end dernier, sous les yeux de celle qui l’a fait naître, de participer à la victoire de l’équipe de France dans la Coupe des nations du CSIO3* de Deauville. De quoi rendre très fière Isabelle.

Perle, poulinière hors pair

Quant à Calypso, le propre frère de Baladin, il a également débuté sur la scène internationale avec Rutherford Latham, avant de rejoindre les écuries de l’Espagnol Eduardo Pereira de Menezes en 2020 – avec qui il s’est notamment imposé dans une épreuve 1,45 mètre sur la prestigieuse piste de Calgary – et, plus récemment, de passer sous la selle de l’Italien Marco Carli. Bref, les deux premiers produits de Perle de Cheux se sont ainsi révélés excellents. Et ils n’ont pas été les seuls. “Par la suite, Perle m’a donné Edinson des Matis (Nectar des Roches), qui a été exporté en Grande-Bretagne et débute actuellement les CSI3*, Feel Good des Matis (Idéal de la Loge), Gin Fizz des Matis (Contendro, Holst), qui a été labellisé “Excellent” à quatre ans, “Elite” à cinq ans et “Très bon” à six ans, Invictus des Matis (Excalibur dela Tour Vidal, sBs), Jazz des Matis (Mylord Carthago), Kivao des Matis (Untouchable 27, KWPN), Loxley des Matis (Qlassic Bois Margot) et, dernièrement, un autre fils de Contendro. Tous ses poulains sont excellents et sautent extrêmement bien. Ils ont son immense respect, son sang et sa force dans le dos”, indique Isabelle, fière de la production de celle qui, fait étonnant, est encore à ce jour son unique poulinière. Une poulinière tout bonnement exceptionnelle mais qui, comme le souligne l’éleveuse, n’a qu’un seul petit défaut : celui de n’avoir eu que des mâles. “Elle a eu dix produits, dix mâles. Je ne sais pas si ça arrive à beaucoup d’éleveurs !”, précise Isabelle en riant. “J’espère vraiment que le prochain sera une femelle, que je puisse poursuivre l’aventure avec l’une des ses filles et ainsi garder la formidable génétique de Perle, qui a déjà vingt ans”. Néanmoins, à ce jour, impossible de lui reprocher cela tant l’alezane s’est révélée être une mère hors pair. D’ailleurs, Isabelle n’a plus aucun produit de sa bonne Perle chez elle. “Ils partent tous, et de plus en plus vite. Actuellement, il ne me reste que le petit dernier, qui est né cette année.”

Des chevaux… Et des poneys

Si Isabelle a ainsi déjà fait naître nombre de très bons chevaux, elle élève également des poneys, principalement Connemara. Eux aussi portent l’affixe “des Matis”, choisi par l’éleveuse en référence aux membres de sa famille, chaque lettre correspondant à l’initiale du prénom de l’un d’entre eux. La famille, tel est donc le fil rouge de l’élevage d’Isabelle. Mais revenons-en aux poneys. Deux poulains naissent chaque année et contrairement aux chevaux, eux ne s’illustrent pas vraiment en compétition. “C’est assez étonnant mais ils sont généralement achetés par des adultes qui veulent se faire plaisir, pour le loisir. J’ai d’ailleurs très régulièrement de leurs nouvelles, ce qui fait toujours très plaisir et prouve que leurs nouveaux propriétaires en sont contents, c’est important. Mais j’en ai aussi quelques-uns qui se sont bien illustrés en compétition, comme Bichka des Matis (Don Juan V, CO), qui se classait troisième des championnats de France Poney 1 C en 2019”, souligne Isabelle. Comme les chevaux, les poneys d’Isabelle connaissent ainsi un franc succès. “Je les vends tous assez rapidement, certains même sous la mère.” De quoi permettre à la structure de l’éleveuse de fonctionner mais également de marquer la qualité du travail de sélection d’Isabelle Berzinger. Entre héritage, passion et réussite, le “petit” élevage des Matis a assurément toutes les qualités des plus grands. 

Photo à la une : Baladin des Matis et Mégane Moissonnier, ici lors du CSIO5* de La Baule en 2022. Crédit : Eric Knoll.

Ci-dessous : Perle de Cheux, la jument de coeur et fondatrice de l’élevage d’Isabelle Berzinger. Crédit : Coll.