Dzara Dorchival, le rêve éveillé de Sébastien Fonck
A Stockholm, ce week-end, le numéro un mondial Henrik von Eckermann, n’a pas manqué grand-chose devant son public : s’il remporte le Grand Prix du Longines Global Champion Tour avec son fabuleux King Edward (Edward 28), un top cheval pourrait bien en cacher un autre. Car, dans trois autres épreuves, le cavalier suédois s’est imposé à deux reprises et a pris une belle deuxième place avec l’excellente Dzara Dorchival, une Selle Français appartenant toujours à son naisseur passionné, Sébastien Fonck.
Et d’ailleurs, l’éleveur, contacté par téléphone, a fait le déplacement ce week-end vers la Suède, pour suivre sa protégée, qui n’a pas manqué de lui faire honneur. Vendredi soir, le couple remporte l’épreuve 1,45 mètre au chronomètre et, le lendemain, prend la deuxième place de la première manche 1,55 mètre de la Global Champions League, permettant aux Scandinavian Vikings de monter sur la deuxième marche du podium. Et, dimanche matin, Dzara a pris le départ de l’épreuve 1,50 mètre au chronomètre, où elle s’impose une fois de plus. Bref, la fille de Qlassic Bois Margot n’est pas passée loin du triplé. De quoi enchanter son naisseur et propriétaire, heureux de vivre ces instants sportifs…
Passionné de génétique et lecteur du Hors-série de L’Eperon
“J’ai acheté la mère de Dzara grâce à Hubert Bourdy“, relate le naisseur de cette crack jument, originaire de la région de Macon. “De mémoire, il avait récupéré Rieke 63 dans un commerce de chevaux, et je l’ai achetée pour l’élevage. Dzara est le troisième poulain de Rieke. Lorsque je l’ai fait sauter à deux ans, j’ai vite vu qu’elle avait un truc en plus.” Mais revenons au début de l’histoire, et le parcours qui a mené Sébastien Fonck à faire naître une jument actuellement sous la selle du numéro un mondial, ce qui, admettons-le, n’est quand même pas rien. “Mes parents n’étaient pas du tout issus du milieu du cheval et j’ai commencé de façon assez classique, en pratiquant l’équitation. Je me suis très vite passionné par la génétique, je dévorais le Hors-série élevage de L’Eperon chaque année, ainsi que le Guide des étalons. Je lisais les articles sur les étalons et les grandes matrones françaises de l’élevage, cela me fascinait.” Sébastien Fonck s’engage ensuite dans des études pharmaceutiques, et ses parents lui offrent un foal. “L’idée était qu’il grandisse pendant mes études et que je puisse le monter à la sortie de mon cursus.” A la foire de Lessay, en Normandie, la famille fait alors l’acquisition de Gazelle du Perron (Tu Viens Dorval x Matador du Bois). “Nous l’avons achetée sur son modèle, parce que nous la trouvions jolie“, poursuit Sébastien Fonck. “Au final, elle n’a pas fait de sport et j’ai commencé à la faire saillir quand elle a eu cinq ans, j’ai enfin pu vivre mon rêve et choisir un étalon !” Résidant en plein centre-ville, Sébastien Fonck devient éleveur hors-sol en plaçant Gazelle en pension près de Cluny, où il lui fait faire plusieurs poulains par la suite.
Un plaisir qui vaut toutes les offres
Passionné par ce qu’il entreprend avec Gazelle, le pharmacien-éleveur suit une formation agricole et fait l’acquisition de quelques hectares à Comartin, en 2010. “Quelque temps après, j’ai pu avoir un peu plus de terrain et, aujourd’hui, je suis installé sur quarante-cinq hectares. Je dispose de quelques boxes, de bâtiments agricoles et d’un rond d’Avrincourt“, indique Sébastien. “Tout le nécessaire pour l’élevage en somme !” C’est à la suite de son installation en Saône-et-Loire que Sébastien achète Rieke, la mère de Dzara. “Avant elle, de Rieke, j’ai eu deux poulains : Aukidoki Dorchival, un fils du Holsteiner Controe, qui était extraordinaire mais pas très grand, ainsi que Coco Boy Dorchival, un Tinka’s Boy, qui fait le bonheur d’une amatrice jusqu’en 140 !” Quant à Dzara, la première fille de Rieke, elle participe au championnat des femelles des 2 ans du stud-book Selle Français, et termine troisième de la finale, avec la meilleure note à l’obstacle. “Les offres ont commencé à arriver, mais j’ai refusé de la vendre“, indique Sébastien. “C’était mon plaisir de la voir, elle était qualiteuse, belle… Vraiment, je n’avais pas envie de m’en séparer !”
A quatre ans, la jument est formée par Valentin Chabert, puis passe sous la selle d’Eddy Seguin Maure à cinq et six ans pour les Cycles classiques. “Lors de ces années, j’ai cherché à la préserver et elle n’est pas tellement sortie”, indique Sébastien. “C’est ensuite Thomas Leveque qui a pris les commandes de Dzara, et qui l’a vraiment révélée. Elle sautait bien avec ses cavaliers précédents, mais ce n’était pas une jument facile à monter, elle était chaude et avait beaucoup de force. Elle avait aussi sans doute besoin de temps. Thomas l’a faite évoluer et elle a fait une fantastique saison à huit ans. Il a vraiment fait un super travail sur la jument.”
Von Eckermann : “le coup de foudre humain”
Sébastien Fonck, qui croit beaucoup en Dzara, veut viser encore plus haut pour sa protégée et commence à songer au dernier palier du haut niveau. Et à quel cavalier il pourrait confier sa fille de Qlassic pour qu’elle foule les plus belles pistes du monde. “J’ai eu contact avec certains cavaliers français, mais cela n’a pas été plus loin. Et puis, lors d’Equita Lyon 2021, j’ai croisé Eric Louradour avec lequel j’ai discuté. Il m’a parlé d’Henrik von Eckermann, et m’a dit que c’était le cavalier qui avait incontestablement le meilleur système pour le haut niveau. Cette appréciation a fait écho et le soir-même, après m’être procuré le contact d’Henrik, je lui ai envoyé deux vidéos de Dzara. Dans les cinq minutes, il m’a rappelé, il m’a dit que Janika (Sprunger, son épouse, ndlr) avait vu la jument à Lyon, qu’elle l’avait appréciée et qu’elle avait dit à Henrik de la regarder. Ils avaient donc vu ses tours… et étaient donc fortement intéressés pour que nous fassions quelque chose ensemble.” Finalement, c’est à Genève, lors du CSI, quelques semaines plus tard, que la collaboration démarre avec un dîner. “A table, avant d’aborder la partie sportive, Henrik et Janika m’ont parlé de leurs chevaux, de leur philosophie et j’ai senti qu’ils aimaient leurs chevaux comme moi j’aimais Dzara. Je leur ai dit qu’il n’y avait pas de but commercial à ma démarche : je souhaitais juste voir Dzara évoluer. Quand nous nous sommes quittés, je leur ai dit que j’allais réfléchir au fait de travailler ensemble, mais j’avais déjà pris ma décision. Une semaine plus tard, Henrik venait lui-même chercher Dzara chez Thomas.”
Le debrief de la sortie de piste et le sourire d’Henrik
Depuis, le couple ne cesse d’évoluer sur les plus belles pistes du monde et de récolter de bons résultats. Et Sébastien Fonck, chaque semaine, a des nouvelles de Dzara par le biais de messages, photos et vidéos. “J’ai vraiment été intégré à tout l’équipe d’Henrik et Janika et dès que je peux les rejoindre sur un concours, je me déplace. Le haut niveau, c’est une sphère que je ne connaissais pas, c’est une véritable découverte. Et c’est super de le faire aux côtés d’Henrik et Janika.” Alors, quelles sont les perspectives du cavalier suédois avec la jument, lui dont l’écurie est bien pourvue et notamment par King Edward ? “C’est vrai que lorsque l’on choisit de confier son cheval au meilleur cavalier du monde, il faut se dire qu’on le place au milieu d’autres tout aussi qualiteux“, sourit Sébastien Fonck. “Aujourd’hui, pour Dzara, c’est un concours après l’autre, mais Henrik n’a pas de doute sur sa capacité à aller sauter les Grands Prix et prendre part à des Coupes des Nations. J’avoue que ce serait formidable et on n’en est pas loin. Et puis, forcément, si j’avais un rêve, ce serait celui des Jeux de Paris. Mais Henrik est bien équipé, et notamment du meilleur cheval de la planète, donc Dzara passera forcément après… ” Mais pour Sébastien Fonck, quarante-huit ans, les émotions vécues aux côtés d’Henrik et de Dzara sont déjà une aventure fabuleuse. “Les résultats sont là, mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est quand je retrouve Henrik au paddock, après son tour, et que je vois son sourire et qu’il me répète que la jument est extraordinaire. C’est ma plus belle récompense.”
Résultats de Stockholm ici
Photo : en haut, la complicité entre le numéro un mondial, Henrik von Eckermann et Dzara Dorchival, né chez Sébastien Fonck, son propriétaire. Ci-dessous, Sébastien, dès qu’il le peut, suit sa protégée sur les plus belles pistes du monde. Crédit : Coll. privée.