Entretien avec Badre Fakir, directeur général de la Fédération équestre marocaine
À l’occasion du Morocco Royal Tour, nous avons rencontré le directeur général de la Fédération marocaine des sports équestres (FRMSE), Badre Fakir. Véritable passionné du cheval sous toutes ses formes, ce dernier initie différentes démarches pour faire rayonner le Maroc par le prisme de l’équitation et, sous l’impulsion du Prince Moulay Abdallah Alaoui, donne ses lettres de noblesse au sport équestre marocain.
Badre Fakir est discret et, pourtant, il est partout. À El Jadida, dernière étape du Morocco Royal Tour qui réunit chaque année concours de saut international et salon du cheval, dont le spectacle principal est la Tbourida, le directeur général de la FRMSE arrivait tôt, repartait tard, avait un mot sympathique pour chaque personne croisée et n’a jamais lésiné à mettre les mains dans le cambouis s’il le fallait. Lors de la dernière journée de compétition, quand la tempête a quelque peu bousculé le programme des épreuves, il était bien évidemment au centre des décisions, gérant la situation avec calme et essayant de trouver la meilleure alternative entre sport et sécurité. Badre Fakir est ainsi discret, modeste – il n’apprécie pas forcément être au centre des attentions et il a fallu être persuasif pour obtenir un entretien – et véritablement passionné par son activité.
Le sport, passion familiale
Directeur général de la Fédération marocaine des sports équestres depuis 2017, Badre Fakir a commencé l’équitation très jeune et s’est adonné à la compétition en saut d’obstacles et en concours complet. “Mon père était très sportif et je suis l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Nous avons tous été plongés dans le sport. En ce qui me concerne, j’ai de suite accroché avec l’équitation. À dix ans, j’ai passé mon Eperon de bronze. En parallèle, je menais mes études à la Mission française, au lycée Descartes, à Rabat“, se remémore-t-il. “Je me suis engagé ensuite vers un BTS en commerce international, puis vers un BTH en tourisme hôtellerie. J’ai également un Master en gestion d’entreprises sportives. Et, récemment, j’ai repris mes études : mon objectif est d’obtenir un doctorat sur la thématique du développement des sports équestres.” Dynamique, entrepreneur dans l’âme, passionné par le sport et désireux de faire progresser le Maroc par ce prisme, Badre Fakir a lié la poursuite de ses études avec les intérêts de son pays. Son mémoire vise à trouver des solutions pour développer l’équitation sur le continent africain.
À l’issue de ses études et grâce à sa passion pour l’équitation, Badre Fakir a reçu, à la fin des années 1990, une proposition de la part de la Princesse Lalla Amina, ainsi que de l’ancien président de la FRMSE, Moulay Driss El Ouazzani. “Son Altesse Royale m’a proposé un poste au sein de la Fédération, sans doute pour lui donner un petit souffle de jeunesse et de nouveauté. J’ai accepté car ma passion allait enfin devenir ma profession, et vice-versa. Et toujours aujourd’hui, je ne compte pas mes heures car j’aime ce que je fais.” En 1998, Badre Fakir intègre donc la Fédération au poste de secrétaire permanent. En 2010, il est nommé secrétaire général de la Fédération. Puis, en 2017, il en devient le directeur général. “J’ai passé vingt-cinq ans au sein de cette Fédération. Et chaque jour me stimule. Sur les quatre présidents qu’a compté la Fédération depuis 1958, j’ai travaillé avec trois d’entre eux : les regrettés Moulay Driss El Ouazzani et son Altesse Royale la Princesse Lalla Amina, et aujourd’hui, le Prince Moulay Abdallah Alaoui, depuis sa nomination à la présidence par sa Majesté en 2012. Je suis fier car j’ai toujours été entouré de leur bienveillance, de leur soutien et d’une vision pour le développement de la pratique et du sport équestres, propre à chacun.” En ce qui concerne le volet national, cinquante clubs sont aujourd’hui affiliés à la Fédération, et le pays compte entre 9500 et 10000 chevaux répertoriés. “Nous comptons environ 8000 cavaliers qui montent pour le loisir ou en compétition, et quatre-vingts compétitions organisées par an, toutes disciplines confondues.”
Depuis son arrivée à la Fédération, Badre Fakir indique que “bien des choses ont été réalisées“, avec des phases différentes selon les visions des présidents qui se sont succédé. “La Fédération a eu quatre présidents“, reprend Badre Fakir. “Le regretté Monsieur Lyazidi, président de 1958 à 1976, a institué la Fédération marocaine des sports équestres. Puis, de 1976 à 1999, Moulay Driss El Ouazzani a administré la Fédération, et l’a structurée. Dès 1999, son Altesse Royale la Princesse Lalla Amina a popularisé le sport équestre. Et, depuis 2012, le Prince Moulay Abdallah Alaoui internationalise les sports équestres. Le Maroc s’ouvre et tend vers l’international, c’est une évolution logique. Mieux vaut grimper par les escaliers, pas à pas, que de monter par l’ascenseur qui risque de tomber en panne ! Je pense que chaque étape a compté.“
“Pour ma part, tout ce que j’ai pu voir à l’étranger, j’ai essayé d’en tirer profit, de le calquer à notre niveau national. Cela porte aujourd’hui ses fruits.” Et Badre Fakir n’hésite pas quand il s’agit de se déplacer hors du pays, pour accompagner les sportifs, ou participer lui-même directement aux compétitions en tant qu’officiel.
Juge sur les plus grandes compétitions
“Dans les années 1990, j’ai entamé des formations pour devenir juge. Cela par plaisir. En 2005, j’ai été promu juge international niveau II. Puis, en 2011, j’ai obtenu mon examen de niveau III au siège du Comité national olympique, à Paris. J’ai pu ainsi prendre part à différents concours internationaux de saut d’obstacles, notamment des étapes Coupe du monde, Coupe des nations, et je voyage ainsi beaucoup, même si la priorité reste la Fédération.” Grâce à cette fonction de juge, Badre Fakir est donc directement en lien avec le sport de haut niveau. “J’ai toujours été soutenu dans cette mission par la Fédération, qui accompagne les cavaliers marocains afin qu’ils puissent se propulser vers l’international. Aujourd’hui, il y a des résultats intéressants, avec l’émergence d’une génération de sportifs ambitieux, qui souhaitent évoluer.” Le directeur général représente également le Maroc en tant que membre du comité des nominations de la Fédération équestre internationale. “Depuis 2002, j’ai participé à seize assemblées générales de la FEI“, précise-t-il.
Le Morocco Royal Tour, vitrine du savoir-faire marocain et opportunité sportive
L’internationalisation de la compétition équestre au Maroc s’est notamment concrétisée par la mise en place du Morocco Royal Tour, un circuit se déroulant sur le mois d’octobre et comportant trois concours internationaux, à Tétouan, Rabat et El Jadida. “Ce travail est une oeuvre collégiale et montre que le Maroc est capable d’organiser de belles choses. Cela fait douze ans que le Morocco Royal Tour est en place. Il peut exister grâce à la fondation éponyme, qui a été créée à l’initiative de sa Majesté le roi. Cette fondation est composée de trois entités, la Fédération marocaine des sports équestres, la Garde royale et l’association Salon du cheval, et a vu le jour pour promouvoir le sport équestre de haut niveau. Ce circuit donne également l’opportunité à des cavaliers marocains de se confronter à l’élite.”
Au début de l’aventure, le MRT était constitué d’étapes où étaient programmés des CSI2*. Les choses ont évolué, et le MRT a pris du galon avec des CSI3*. “La ligue arabe nous a demandé à ce que les trois étapes soient labellisées Coupes du monde. Nous avons ainsi ajouté le “W” ! Et puis, nous avons voulu proposer des labels 1*, afin que des cavaliers amateurs puissent également profiter de ce circuit. Les choses ont continué d’évoluer, nous sommes passés en 4* et avons intégré, il y a six ans, une étape Coupe des nations à Rabat. C’est un peu le fer de lance de l’événement, si j’ose dire, avec le Grand Prix de sa Majesté à El Jadida, qui nous livre chaque année une fin en apothéose.” Recevoir des cavaliers internationaux, mettre à disposition de ces cavaliers des équipements techniques fiables, donner aux techniciens marocains l’occasion de recevoir l’expertise des meilleurs sportifs sont quelques-uns des avantages, pour le Royaume, à organiser ces séries de compétitions. “Cela permet bien sûr au public marocain d’applaudir ses sportifs“, indique Badre Fakir. “Nous sommes dans l’obligation de partager avec les spectateurs les choix et le travail réalisé en amont, tout au long de l’année, que cela soit au niveau de l’encadrement des cavaliers ou des techniciens…“
Abdelkebir Ouaddar, locomotive des sports équestres
Lors des différentes étapes du MRT, les cavaliers marocains répondent bien évidemment présents et concourent sur les différents labels. Ils reçoivent tous, sans surprise, les ovations du public. Mais s’il en est un qui déchaîne plus particulièrement la foule, c’est bien Abdelkebir Ouaddar.
“Depuis 2012, nous sommes sur l’échiquier mondial des sports équestres. Abdelkebir Ouaddar, véritable figure de proue du saut d’obstacles, y est pour beaucoup. En 2012, à Monaco, il participait pour la première fois au Global Champions Tour. La même année, à Londres, le Maroc est pour la première fois aux Jeux Olympiques en dressage, avec Yassine Rahmouni. En 2014, nous sommes pour la première fois aux Jeux équestres mondiaux dans trois disciplines, saut d’obstacles, dressage et reining. En 2016, nous sommes médaillés de bronze au FEI World Jumping Challenge, car il ne faut pas oublier que nous avons de jeunes cavaliers sur lesquels nous comptons. En 2019, nous sommes champions d’Afrique continentale de saut d’obstacles. Deux ans plus tard, nous sommes en équipe à Tokyo, en saut d’obstacles et en dressage, lors des Jeux Olympiques“, détaille Badre Fakir. “Aujourd’hui, l’engagement est là, l’envie aussi, et les moyens sont mis à contribution pour que le Maroc continue d’avoir sa place dans la sphère du sport de haut niveau. Et il est vrai qu’Abdelkebir a été un moteur, pas seulement pour le saut d’obstacles, mais pour l’ensemble des disciplines. Pour le sport équestre dans son ensemble. Nous sommes fiers d’avoir de tels ambassadeurs…” Et Badre Fakir de garder forcément en mémoire l’édition 2022 du MRT, où le Maroc s’est imposé dans les trois Grands Prix du circuit, grâce à Abdelkebir Ouaddar et Ghali Boukaa. “Sur une même tournée, le Maroc a vu son hymne national retentir trois fois, à l’occasion des trois Grands Prix. C’était extraordinaire… “
Des traditions, des moyens, des stratégies
L’art équestre marocain est également un pan important de la culture du pays, avec la célèbre Tbourida. Badre Fakir indique que la Tbourida, inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, fait rayonner le pays. “Tous les facteurs sont là pour dire que l’équitation et le sport équestre au Maroc sont passionnément menés. Les moyens sont ainsi mis pour que le Maroc continue d’être présent dans la sphère du sport équestre de haut niveau, et cela ne serait pas possible sans l’impulsion de sa Majesté Mohammed VI – que Dieu l’assiste – qui encourage la pratique et le développement, sans le travail de la Fédération, et sans l’implication personnelle du Prince Moulay Abdallah Alaoui, président de la Fédération. Il met à disposition des cavaliers marocains ses chevaux. Les moyens sont mis, de façon juste, sans jeter l’argent par les fenêtres, en fonction des besoins que nous avons identifiés, ciblés.” Badre Fakir conclut notre entretien en disant que la stratégie de développement de la pratique et des sports équestres, au Maroc, se fait selon une volonté d’excellence. “Nous avons des propriétaires, nous avons des institutions, nous avons le soutien de nos dirigeants… Et nous avons la volonté de mettre tout en oeuvre pour montrer que nous sommes là.“