L'E
L’Expérience

L’élevage Tonick, entre passion, patience et conscience

Emilie Dupont 11 juillet 2023

La semaine dernière, lors du CIR de Pompadour, Indiane a de nouveau fait briller l’élevage Tonick de Simon Robichon en se classant sixième des jeunes chevaux de cinq ans. Une nouvelle distinction pour celle qui avait remporté les Espoirs du complet il y a deux ans, mais aussi pour son naisseur, dont le travail et la philosophie méritent indéniablement d’être mis en lumière. Rencontre. 

Feeling Tonick (Jaguar Mail), Indiane Tonick (Casall, Holst), Haloa Tonick (Kannan, KWPN)… Si vous êtes passionné(e) de complet et d’élevage, peut-être ces noms ne vous sont-ils pas inconnus. La première, gratifiée d’un ICC 136 en 2022, était qualifiée pour le Mondial du Lion à sept ans et s’est, depuis, illustrée en CCI3*. La deuxième a quant à elle remporté les Espoirs du complet il y a deux ans et se classait, la semaine dernière, sixième du CIR de Pompadour, tandis que la dernière a, il y a quelques années, rejoint les écuries de la cavalière olympique Merel Blom. Leur point commun, outre celui d’être de très bonnes juments ? Elles sont toutes nées chez Simon Robichon, à Montmorillon, dans la Vienne. Depuis dix ans, ce féru d’élevage et de complet fait naître avec passion et application des chevaux de sport, issus de croisement soigneusement définis et qui, lorsqu’on les regarde, sont finalement facilement reconnaissables. Car Simon – qui a, au début de sa carrière, également travaillé dans les courses – a sa marque de fabrique. “J’ai toujours été amoureux des Anglo et des chevaux dans le sang. Quand je choisis mes poulinières, il faut qu’elles aient du sang, du look et du coffre, trois éléments indispensables aux chevaux de complet. Je les marie ensuite généralement à des étalons plutôt orientés saut d’obstacles, comme Kannan, KWPN, Casall, Holst et Canturo, Holst, pour qu’ils apportent de la taille, de la force et de la technique”, précise l’éleveur et cavalier, qui forme lui-même ses jeunes chevaux, notamment pour avoir du recul sur ses choix de croisement. Et cette méthode-là, Simon l’applique depuis ses débuts.

Roseau d’Or ou rien

Alors qu’il réfléchit à se lancer dans l’élevage en 2010, Simon le sait déjà : c’est sur la souche de Roseau d’Or, AA qu’il construira le sien. “J’ai, dans mes premières années, beaucoup monté chez Jean-Luc Gaillard, qui avait alors cet étalon. J’en suis tombé amoureux et je voulais absolument une poulinière qui soit issue de cette souche pour commencer à faire naître mes propres chevaux”, précise-t-il, la voix encore empreinte d’une certaine nostalgie. Très vite, Simon fait alors l’acquisition, auprès de Jean-Luc Gaillard, de la belle Popy d’Or, fille, donc, de Roseau. Et, quelques mois plus tard, naissait Lyptonick Z, le premier poulain de l’élevage Tonick, du croisement avec l’étalon Hanovrien Levistan. Puis, rapidement, Simon achète une deuxième poulinière, elle aussi – sans surprise – Anglo-arabe : Hawaï des Pesquies (Gaverlys du Cercle, AA). “C’était plus facile pour élever, et les poulains pouvaient ensuite grandir ensemble, ce qui est plus sympa”, souligne l’éleveur. En 2015, la baie donne naissance à la belle Feeling Tonick, quelques semaines après que le deuxième poulain de Popy, Fair Play Tonick (Jaguar Mail), ait vu le jour. Et c’est ainsi que l’histoire commença.

Le temps du renouveau

Pendant près de dix ans, Popy et Hawai ont offert à Simon de très beaux produits, à l’image de Gin Fizz Tonick (Canturo, Holst), Get Vingt Sept Tonick (Canturo, Holst), Honeymoon Tonick (Kannan, KWPN), Haloa Tonick (Kannan, KWPN), Indiane Tonick (Casall, Holst) et, le petit dernier, Kocktail d’Or Tonick (Sarantos, KWPN), né en 2020. Malheureusement, nul n’étant éternel, Popy et Hawai se sont éteintes il y a peu. Un moment douloureux pour l’éleveur, qui a malgré tout rebondi et a notamment choisi de mettre à l’élevage Gin Fizz Tonick, dont le papier est en grande partie composé de Pur-sang et qui s’était classée troisième des Espoirs du complet en 2019. “Cela me permet de conserver la souche de Popy, ce qui était très important pour moi. Elle est actuellement pleine de Million Dollar, Bwp, sur qui j’ai flashé il y a cinq ans. J’attendais juste qu’il soit approuvé Selle Français”, souligne Simon. 

“C’est important pour moi d’utiliser des poulinières que j’ai montées ou dont j’ai monté les mères. Cela me permet de mieux définir les croisements”

Et puis, pour compléter son cheptel de poulinières, il a misé sur la nouveauté en faisant le choix de se lancer dans l’élevage… de poneys. “Nous avons cette année accueilli les premiers poneys de l’élevage : Nine Shots Tonick (Iwan de Villate, PFS) et Nice Tea Tonick (Usandro Tilia Derlenn, WPB), deux produits de nos supers poulinières, Uppsala de Tassine (Vinci du Logis, WB) et Kelmiss de Gresignac (Vvalnut Grove du Pena).” Deux recrues, qui ne sont pas si nouvelles que ça… “J’ai monté Uppsala dans les premières années de mon installation et j’avais vendu la mère de Kelmiss quelques années avant qu’on me propose sa fille. C’est important pour moi d’utiliser des poulinières que j’ai montées ou dont j’ai monté les mères. Cela me permet de mieux définir les croisements.” Mais la belle histoire ne s’arrête pas là puisque les deux ponettes appartenaient à l’élevage de Pic, avec lequel Simon travaillait beaucoup et dont les fondateurs ont aujourd’hui pris leur retraite. “Sans le vouloir, nous avons repris, avec ma compagne Agathe, les souches de cet élevage que nous aimions beaucoup”, indique-t-il.

Des exigences bien précises

Pour se lancer dans cette nouvelle aventure, Simon et Agathe ont évidemment eu à coeur de faire les choses bien, notamment dans leurs croisements. S’ils connaissaient donc déjà très bien leurs souches maternelles, ils ont veillé à en faire de même pour le côté paternel. “Nous avons fait le choix d’essayer d’aller au maximum vers des étalons qui se trouvent près de nous”, indique Agathe. “Cela se fait de moins en moins, mais c’est important pour nous. Ça nous permet de les voir et d’observer leur production en compétition.” D’autant que, tout comme pour les chevaux, les deux passionnés ont une idée bien précise du type de poneys qu’ils souhaitent élever. “Nous ne cherchons pas les mêmes qualités chez nos chevaux que chez nos poneys. Chez les premiers, je base beaucoup ma sélection sur le sang, même si cela ne les rend pas toujours faciles au départ. Mais pour les poneys, ce que nous voulons avant tout c’est, au contraire, qu’ils soient très pratiques. Leurs mères ont évidemment aussi beaucoup de sang car je ne peux pas m’en empêcher et qu’il faut en transmettre pour que les produits puissent aller sur les grosses épreuves, mais nous voulons qu’ils soient gentils, avec un beau modèle et faciles. Il ne faut pas oublier qu’ils sont destinés à être montés par des enfants”, explique Simon. 

“Mon seul but, c’est que chaque cheval fasse la carrière qu’il peut faire, en étant bien dans son corps et bien dans sa tête, et qu’il soit en bonne santé le plus longtemps possible. Nous ne sommes pas dans une démarche de résultats à tout prix”

Des chevaux polyvalents

Si Simon est, en premier lieu, cavalier de complet, il tient également à former ses protégés sur les circuits de saut d’obstacles. “Désormais, mes chevaux ont tous du sang et une bonne qualité de saut. Je suis d’ailleurs très satisfait de ce dernier point, que nous avons su, au fil des années, améliorer par rapport à notre jumenterie de base. Et selon moi, les qualités d’un bon cheval de complet sont d’avoir du sang, du respect et un bon coup de saut… Comme pour un cheval de saut d’obstacles finalement. L’idée, c’est de faire naître des chevaux polyvalents.” Néanmoins, l’éleveur et cavalier, qui forme lui-même ceux qu’il fait naître, tient à s’adapter à chaque cheval. “J’essaie toujours de trouver la discipline dans laquelle chaque cheval sera le plus à l’aise. À quatre ans, ils font systématiquement du CCE et du CSO car je trouve cela très formateur, notamment parce que les pistes de saut d’obstacles changent beaucoup plus que celles de complet, mais que cette dernière discipline leur permet de voir un plus grand nombre de profils d’obstacles. Puis, à cinq ans, j’essaie de les spécialiser dans l’une des deux branches. Si je n’arrive pas à savoir ce qui leur convient le plus, ils continuent de faire les deux un an de plus, mais jamais au-déjà car les exigences de chacune des disciplines sont ensuite trop élevées”, explique Simon, qui tient également à aller au rythme de chaque cheval et ne jamais bousculer ses protégés.

“Tant que je pourrai monter à cheval, j’aurai toujours envie de monter et de garder mes poulains”

Savoir prendre le temps

S’adapter est ainsi le maître-mot de la formation des jeunes chevaux selon Simon Robichon. “Je présente ou ne sors mes chevaux en compétition que lorsqu’ils sont réellement prêts. Je ne participe qu’assez rarement aux concours d’élevage et, à deux ans, je n’emmène que ceux qui sont beaux naturellement. Je ne veux pas bousculer leur croissance en changeant leur alimentation pour qu’ils soient prêts plus tôt, par exemple. Parfois, je vois bien qu’à deux ans, certains vont par la suite très bons, mais s’il le faut, je préfère les attendre. Je ne veux pas leur enlever ou changer leur vie de cheval sous prétexte de commencer absolument les concours à deux ans. Je me dis que, pour les hommes comme pour les chevaux, il est toujours très difficile de devoir faire quelque chose pour lequel on n’est pas prêt. De plus, quand on nous force, on en ressort souvent dégoûté. Et je ne veux pas ça pour mes chevaux”, affirme avec conviction Simon. Cette philosophie, l’éleveur la conserve d’ailleurs tout au long de la vie de ses protégés : s’ils ne sont pas prêts à trois ans, pas de concours, et si, à quatre ans, ils font preuve d’une perte d’état au milieu de la saison de compétition, retour au pré. “Nous n’avons pas d’objectif de saison. Mon seul but, c’est que chaque cheval fasse la carrière qu’il peut faire, en étant bien dans son corps et bien dans sa tête, et qu’il soit en bonne santé le plus longtemps possible. Nous ne sommes pas dans une démarche de résultats à tout prix.” Si Simon a ainsi à cœur de prendre son temps avec ses chevaux, il n’est pas non plus pressé de les vendre. “Je vends généralement un poulain par an, il le faut bien, mais j’ai toujours une petite larme à l’oeil quand je les vois partir”, confie celui qui est indéniablement ce que l’on appelle un amoureux des chevaux. “Tant que je pourrai monter à cheval, j’aurai toujours envie de monter et de garder mes poulains”, conclut-il avec une certaine émotion dans la voix.

Photo : Simon Robichon et Agathe Dubreuil, ici aux côtés d’Uppsala de Tassine et du premier poulain poney de l’élevage, l’adorable Nice Tea Tonick. Crédit : Emilie Dupont.