L'E
L’Expertise

La rhodococcose, le grand désagrément des poulains

Emilie Dupont 1 juin 2023

Alors que de nombreux poulains à pointent actuellement le bout de leur nez, il est essentiel de surveiller de très près leur état de santé tout au long de leurs premiers mois de vie. Parmi les maladies les plus fréquentes touchant les très jeunes équidés, la rhodococcose. Quelle est-elle ? Comment la repérer, la soigner et quels gestes préventifs mettre en place ? Réponse avec Aurélia Leroux, docteur vétérinaire, à travers la webconférence « Rhodococcose chez le poulain : une maladie à surveiller », proposée par l’IFCE.

Avec l’arrivée d’un poulain viennent la joie, l’attendrissement mais aussi l’inquiétude que rien de grave ne lui arrive dans les premiers mois de sa vie. Parmi les maladies les plus fréquentes chez les jeunes chevaux âgés de trois semaines à six mois, la rhodococcose. « Il s’agit de la maladie respiratoire la plus courante chez les poulains », affirme Aurélia Leroux, docteur vétérinaire. Comme elle le précise également, la rhodococcose est due à une bactérie, nommée Rhodococcus equi, qui est à la fois ubiquitaire, c’est-à-dire qu’elle s’adapte à de nombreux environnements, et tellurique, ce qui signifie qu’on la trouve naturellement dans le sol mais aussi dans l’air à travers les poussières et dans les crottins des chevaux. « Il est ainsi possible de la trouver un peu partout, mais seules certaines souches de cette bactérie sont pathogènes et peuvent donc provoquer la maladie », souligne le docteur Aurélia Leroux. La présence et le développement de cette maladie dans les élevages sont, eux aussi, très variables. Elle peut être endémique, et donc entraîner des cas chaque année voire en continu, ou bien sporadique et, de ce fait, il peut n’y avoir qu’un ou deux cas à un moment donné puis plus aucun pendant plusieurs années. Concernant la contamination, comme l’indique Aurélia Leroux, elle s’effectue essentiellement par l’inhalation de particules de poussières contenant des bactéries pathogènes ou bien « plus rarement, par voie orale, lorsque les poulains mangent les crottins de leur mère par exemple ». D’ailleurs, il est important de noter que cette maladie ne concerne et ne touche pas les chevaux adultes, exception faite de ceux qui sont immunodéprimés. Ainsi, seuls les poulains risquent d’être atteints de rhodococcose.

Comment reconnaître la rhodococcose ?

Là encore, quelques spécificités. Il n’est par exemple par rare, pour un éleveur, d’être confronté à un cas d’infection subclinique. « Cela signifie que le poulain est infecté par la bactérie mais qu’il ne présente pas de signe clinique », souligne Aurélia Leroux. Les premiers signes, qui sont également les plus courants et alarmants, sont ceux d’une pneumonie abcédative, c’est-à-dire avec abcès pulmonaire : fièvre (qui peut parfois atteindre les 40°), abattement ou encore toux. « Cela a surtout été observé chez des poulains de moins de quatre mois », indique la vétérinaire. La progression de la maladie peut quant à elle être rapide ou bien insidieuse. Bref, là encore, beaucoup de points sont variables d’un cas à l’autre. Il se peut également que le poulain développe des signes extra-pulmonaires, notamment lorsqu’il est âgé de trois à six mois, au niveau de l’abdomen (infection ou inflammation de l’intestin grêle ou du gros intestin), des articulations (observable dans 30 à 40% des cas, surtout au niveau des jarrets, grassets et boulets) ou de l’œil. « Des diarrhées et coliques peuvent aussi être la résultante d’une infection », ajoute la vétérinaire.

Concernant le diagnostic, il peut être réalisé de plusieurs manières : à partir d’une échographie ou d’une radiographie thoracique pour la présence d’abcès pulmonaires, d’une échographie abdominale ou articulaire pour les cas présentant des signes extra-pulmonaires, ou encore à partir d’analyses de sang.

Comment soigner la rhodococcose ?

Comme le précise le docteur Aurélia Leroux, il existe un traitement antibiotique spécifique à la rhodococcose, très efficace mais qui doit être administré sur une longue durée (trois semaines minimum afin d’éviter les risques de rechute). Néanmoins, plusieurs précautions doivent être prises. Tout d’abord, il est très important que les chevaux adultes – qui ne sont pas concernés par la rhodococcose – ne soient pas au contact de ce traitement, au risque de développer des troubles très sévères. Ensuite, dans le cas d’un élevage ayant plusieurs poulains, comme le préconise la vétérinaire, « le traitement ne doit pas être administré à tous, mais bien uniquement à ceux présentant des signes cliniques ».

Comment prévenir la rhodococcose ?

« La première chose à faire est de limiter les facteurs de risques de contamination », explique le docteur Aurélia Leroux. Le risque et le taux de contamination augmentant avec la densité de population et plus particulièrement avec le nombre de juments suitées, il est vivement conseillé de réduire le nombre de chevaux par paddock ou par pré. Ensuite, les contaminations sont également plus fréquentes dans les écuries fermées et environnements poussiéreux. Aération, nettoyage voire arrosage et surtout mise au pré sont ainsi de mise pour éviter que les poulains ne soient touchés par la rhodococcose. Par ailleurs, la bactérie étant présente en grande quantité dans les excréments, « il est important d’effectuer un ramassage fréquent des crottins dans les boxes, prés et paddocks pour limiter à la fois la contamination des poulains et celle de l’environnement », insiste la vétérinaire.

Plus encore, il est essentiel d’identifier aussi rapidement que possible les poulains infectés. Pour cela, la prise de température quotidienne est recommandée, tout comme la surveillance active de l’apparition d’éventuels signes cliniques, en particulier respiratoires. « Entendre un poulain tousser est un signe d’alerte. » Il est également possible de mettre en place un suivi hebdomadaire par échographie thoracique et/ou dosage sanguin des marqueurs inflammatoires. Enfin, les poulains infectés doivent être isolés et surveillés de près.

Concernant les traitements préventifs, le docteur Aurélia Leroux insiste : « tout traitement antibiotique préventif est totalement inefficace et surtout interdit. Cependant, il est possible d’utiliser du plasma hyperimmun, riche en anticorps contre la bactérie Rhodococcus equi. Cela n’empêchera pas l’infection mais diminuera le risque de développer des formes cliniques sévères, et diminuera également les excrétions fécales de la bactérie chez les poulains, ce qui réduira le risque de contamination. » À ce jour, aucun vaccin contre la rhodococcose n’a été développé, mais des recherches sont en cours. La meilleure prévention reste ainsi la mise en place des mesures évoquées précédemment pour éviter la contamination et pour identifier les poulains infectés. 

Crédit photo : Pixabay.