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Le cheval s’invite à l’Osmothèque

Sylvia Flahaut 9 mars 2024

Retour au 6 février dernier pour une présentation étonnante : l’Osmothèque, Conservatoire international des parfums, présentait le cycle de conférences olfactives sur le thème “Cheval et Parfum” à Versailles, à l’Hôtel de Bouillon. Au cours de cette présentation, les participants ont pu sentir des parfums inspirés par l’univers du cheval et une palette de matières premières qui lui sont associées. Le voyage olfactif proposé par l’Osmothèque passe par l’écurie, la sellerie, les carrières, les prés … jusqu’à la magie du souffle du cheval !

Philippe Mandonnet, dirigeant de la société Capall, spécialisée dans le conseil dans la filière équine, et coordinateur de cette initiative, rappelle que « Cheval & parfum partagent non seulement une histoire et des savoir-faire communs mais surtout, des parfums, des odeurs en commun ».

Arrivant en France en 1533, Catherine de Médicis impose la mode des gants parfumés à la cour et Grasse, déjà connue pour ses tanneries, devient la capitale des “gantiers-parfumeurs”. L’industrie du gant déclinera peu à peu et les parfumeurs prendront le pas sur les tanneurs à partir du milieu du XVIIIe siècle. En 2018, les Savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse rejoignent l’Equitation de tradition française au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.

“Cheval & Parfum” est une rencontre olfactive autour de la note cuir, même si la conférence permettra aussi de découvrir comment toutes les odeurs – et l’imaginaire – de l’univers équestre ont inspiré les grandes maisons de parfums. La conférence olfactive fait appel à l’odorat et à la mémoire : tout au long de l’exposé, des touches olfactives sont distribuées à chaque participant afin d’illustrer le propos et de lui permettre d’accéder aux parfums exceptionnels de l’Osmothèque.

La caractéristique odeur du cuir

Cette thématique, Cheval & Parfum, se décline dans plusieurs formats, à destination du grand public ou pour des publics spécifiques (enfants, seniors) et peut prendre place dans des événements équestres, mais est aussi adaptable dans un cadre événementiel, pour des institutions ou des entreprises. L’Osmothèque présentera par la voix de Marc-Antoine Corticchiato, parfumeur et osmothécaire, un extrait de cette conférence dans le cadre du colloque organisé par la Bibliothèque mondiale du cheval le 1er août 2024 au Château de Versailles, dans le cadre des Jeux Olympiques. « Les notes qui tentent de reproduire l’odeur caractéristique du cuir incluent des notes “fumée”, “tabac”, “animal” et font appel à des matières premières d’origine animale et végétale », indique Thomas Fontaine, président de l’Osmothèque.

De gauche à droite, Thomas Fontaine, président de l’Osmothèque ; Philippe Mandonnet, fondateur de Capall, Anne-Cécile Pouant, Directrice générale de l’Osmothèque, Isabelle Chazot, présidente du Comité scientifique de l’Osmothèque. Ph. Coll. privée

A la différence de nombreuses plantes, dont on peut extraire les molécules odorantes, l’odeur du cuir doit être reconstituée par le parfumeur pour recréer ce parfum si évocateur. La note cuir est apparue très tôt dans les parfums. Des accords tels que “Cuir de Russie” ou “Peau d’Espagne” existent depuis plusieurs siècles, mais c’est seulement en 1919 avec Tabac Blond de la maison Caron que les parfums “cuir” deviennent une famille à part entière de la parfumerie moderne. Le 6 février dernier, les participants ont ainsi pu sentir et comprendre comment travaille le parfumeur pour recréer l’odeur du cuir à partir de plusieurs matières premières.  Ils ont également découvert les premiers parfums de cette famille singulière dont certains ont disparu mais sont précieusement conservés parmi les trésors de la collection unique de l’Osmothèque.

L’univers équestre : une vaste source d’inspiration pour la parfumerie

Directrice de l’Osmothèque, Anne-Cécile Pouant, souligne que le cheval avait toujours été une vaste source d’inspiration pour la parfumerie : « Au-delà de l’odeur du cuir, c’est tout l’univers équestre, ses codes prestigieux, son vocabulaire spécifique, son esthétique, jusqu’aux ambiances des lieux qui lui sont associés – l’odeur terreuse des pistes de course, ou verte des pelouses, le parfum sec et solaire du foin, la puissance et l’animalité de la bête -, qui a inspiré les Maisons de parfumerie au cours de l’histoire ». Les grandes Maisons ont en effet largement puisé dans les termes et l’iconographie de ce monde hippique pour mettre en valeur leurs créations : Calèche ou Amazone d’Hermès, l’Eau de Campagne de Sisley, Polo de Ralph Lauren, Habit Rouge de Guerlain…

 Au-delà de l’odeur du cuir, c’est tout l’univers équestre, ses codes prestigieux, son vocabulaire spécifique, son esthétique, jusqu’aux ambiances des lieux qui lui sont associés – l’odeur terreuse des pistes de course, ou verte des pelouses, le parfum sec et solaire du foin, la puissance et l’animalité de la bête -, qui a inspiré les Maisons de parfumerie au cours de l’histoire

Anne-Cécile Pouant

En marge de la conférence Cheval et Parfum, l’Osmothèque propose des actions de médiation culturelle et olfactive à l’attention de publics scolaires et/ou seniors, sous la forme d’ateliers olfactifs. Si la Covid a mis en évidence l’importance de l’odorat, il existe un retard certain dans l’éducation olfactive. Or, les bienfaits relatifs aux odeurs représentent une voie pertinente en termes d’éveil sensoriel pour les plus jeunes et en gériatrie. L’Osmothèque a conçu les ateliers « mini-nez » et « petits-nez » et des modules spécifiques pour les personnes âgées faisant appel à leurs souvenirs et mobilisant leur mémoire.

L’Osmothèque, un lieu étonnant et à découvrir

Depuis trente-cinq ans, l’Osmothèque, Conservatoire International des Parfums, est la mémoire vivante du patrimoine de la parfumerie avec une collection unique de 6 000 parfums, dont neuf cents disparus, parmi lesquels se trouvent des trésors de la parfumerie française. Association indépendante, elle est la collection de référence de parfums fidèlement refaits sur la base de leur formule d’origine. Installée depuis son inauguration à Versailles, elle est la seule institution culturelle dédiée à la conservation préventive du patrimoine olfactif du parfum, capable de reproduire à l’identique les parfums anciens grâce à une “repesée” de la formule originale. Elle dispose à cet effet d’une large réserve de matières premières, ingrédients et bases anciennes rares ou disparues.

Une malle étonnante, contenant de multiples senteurs, et conçue sur-mesure par l’Osmothèque pour aller à la rencontre du public. Ph. Coll privée

Au fil des ans, elle n’a eu de cesse de développer cette collection et a acquis des compétences avérées dans la transmission en multipliant les formats de médiation culturelle avec tous types de publics. Elle a aujourd’hui un savoir-faire et une expertise reconnus dans la production de contenus culturels et pédagogiques : conférences olfactives, ateliers d’initiation, expositions olfactives … et sait valoriser tous les aspects de ce patrimoine d’exception.

Pour Thomas Fontaine, « l’Osmothèque est la mémoire vivante d’un savoir-faire, d’un art dont l’histoire s’écrit chaque jour. Elle veut être une passerelle entre l’industrie et le monde culturel qui se passionne pour l’histoire du Parfum. Elle est la gardienne d’un patrimoine olfactif qu’elle préserve pour les générations futures.»

Crédit photo à la une: Capall