L'E
L’Expertise

Le fléau de la gourme

Emilie Dupont 25 octobre 2023

C’est une des maladies les plus redoutées par tous les gérants d’écurie : la gourme. Extrêmement contagieuse, elle impose des mesures d’hygiène et de gestion des effectifs qu’il est impératif de connaître et de respecter si un cas est détecté. Cette semaine, L’Eperon vous propose de revenir sur la webconférence proposée par l’IFCE et le docteur vétérinaire Xavier d’Albon au sujet de cette maladie toujours d’actualité.

C’est une des maladies les plus anciennes, les plus répandues dans le monde et les plus contagieuses qui soit chez le cheval. Chaque année, de nombreux foyers de gourme sont détectés en France. Si les chiffres annuels sont globalement stables avec une centaine de déclarations, le nombre de chevaux malades et exposés est quant à lui bien plus élevé et alarmant. En 2017, les cent-dix-neuf foyers de gourme recensés ont ainsi entraîné pas moins de trois-cent-vingt-sept chevaux malades et 3986 chevaux exposés, selon le Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine (RESPE). Preuve que cette maladie n’est assurément pas à prendre à la légère.

Qu’est-ce que la gourme ?

S’il est parfois possible d’entendre certains professionnels de la filière dire qu’un cheval « gourme », c’est-à-dire qu’il a des jetages, cela n’est, presque contre-intuitivement, pas la même chose qu’un cheval « qui a la gourme ». La gourme est une maladie bactérienne due à la Streptococcus equi, qui provoque des symptômes bien plus nombreux et graves que les jetages, comme de la fièvre, une perte d’appétit, une inflammation des ganglions, des difficultés respiratoires (mais pas de toux), une dépression et des jetages purulents. Des symptômes qu’il faut, évidemment, prendre en compte et suite auxquels il est important d’alerter un vétérinaire, bien qu’il ne soit pas rare d’entendre que la gourme ne le nécessite pas puisqu’elle « passe toute seule » par exemple. « Il est vrai que, dans sa forme habituelle, elle ne nécessite pas toujours de traitement mais, dans certains cas, elle est potentiellement mortelle », assure le docteur vétérinaire Xavier d’Albon. « Chaque année, il y a 20% de complications ou formes atypiques, graves et parfois mortelles. Mais, dans tous les cas, reste toujours l’important problème de la contagiosité, qui fait que la gourme ne peut être considérée comme une maladie anodine. » Parmi les complications possibles en cas de gourme, citons notamment les abcès erratiques se développant un peu partout sur le corps, à l’intérieur comme à l’extérieur, les œdèmes, la vascularite nécrosante des membres, la myopathie ou encore des atteintes organiques diverses.

Comme le souligne l’Institut français du cheval et de l’équitation, la gourme est une maladie qui touche principalement les jeunes chevaux (moins de cinq ans) mais le taux d’animaux atteints au sein d’un même effectif peut vite atteindre les 100% en raison de l’extrême contagiosité. « Elle apparaît couramment après un stress comme un transport, un effort important, un changement d’environnement », est-il également indiqué, tandis que la transmission se fait par le jetage, le pus s’écoulant des abcès, les expectorations, le lait ou encore le personnel et le matériel utilisé au sein de l’écurie.

Que faire ?

Comme souvent, en cas de doute au sujet d’un cheval, le premier réflexe doit être celui d’appeler un vétérinaire. « Ce dernier viendra faire des prélèvements afin de s’assurer qu’il s’agit bien de la gourme », explique Xavier d’Albon. Mais ne vous étonnez pas si, contrairement à certaines autres maladies, votre vétérinaire ne prescrit aucun traitement antibiotique en cas de gourme avérée. « Les traitements antibiotiques pour la gourme sont un sujet assez discuté car 75% des chevaux développent une immunité solide après avoir été atteint par cette maladie. Il n’y a donc, théoriquement, pas besoin d’antibiotiques », précise le docteur vétérinaire. « Selon certaines études, les antibiotiques augmenteraient même le temps de guérison, le possibilité d’une ré-infection et le temps de résolution globale d’un épisode », ajoute-t-il. Objectif principal en cas de gourme : que les abcès et ganglions se percent et, pour ça, pas besoin d’antibiotiques. « Néanmoins, un traitement de soutien, pour aider à faire baisser la fièvre par exemple, reste possible », souligne Xavier d’Albon.

« L’écurie doit comprendre trois zones : une pour les chevaux malades, une pour les chevaux ayant été au contact des chevaux malades et une pour les chevaux sains »

Dr. Xavier d’Albon

Des mesures strictes

La principale problématique de la gourme étant son caractère extrêmement contagieux, d’importantes mesures doivent être prises au sein des écuries comptant un ou plusieurs cas. Dès qu’un cheval a été testé positif, il est tout d’abord primordial de l’isoler, ainsi que, dans une autre zone, tous les chevaux qu’il a pu côtoyer. Plus globalement, il est également recommandé de cesser tous les autres mouvements de chevaux. « L’écurie doit comprendre trois zones : une pour les chevaux malades, une pour les chevaux ayant été au contact des chevaux malades et une pour les chevaux sains », explique le docteur vétérinaire Xavier d’Albon. Puis, il est impératif de tester quotidiennement tout l’effectif de l’écurie en prenant la température de chaque cheval. En cas de température élevée, pas de panique. « Entre le moment où la fièvre se déclare et le moment où vont apparaître les premiers jetages, et donc le moment où le cheval va devenir contagieux, se passent généralement deux jours minimum », indique le vétérinaire.

Outre la séparation des chevaux de l’écurie pendant au minimum trois semaines, d’autres gestes primordiaux liés à l’hygiène sont à mettre en place, afin d’éviter tout risque de contamination. Car, comme le rappelle Xavier d’Albon, « un cheval qui a du jetage va contaminer tout son environnement ». Et cela comprend les seaux, les mangeoires et la litière, mais également les murs des boxes, les licols et longes ainsi que les clôtures. Toutes autant de surfaces qui doivent être nettoyées puis désinfectées (« et l’un ne va pas sans l’autre », comme le souligne le vétérinaire). Il est également vivement recommandé de ne pas utiliser les paddocks ayant abrité des chevaux malades pendant quatre semaines. Comme souvent, l’homme peut aussi être vecteur de cette maladie et il est donc important de se protéger pour protéger ses chevaux, en mettant par exemple des vêtements de protection, des surbottes et des gants à usage unique, ainsi qu’en se nettoyant et en se désinfectant à chaque fois. Il est d’ailleurs conseillé, pour des questions pratiques, de s’occuper des chevaux contaminés en dernier. Plus encore, il est vivement recommandé d’informer toutes les personnes présentes au sein de l’écurie des cas de gourme, afin que chacun soit vigilant et ne contribue pas au prolongement de la contamination.

Crédit photo à la une: Pixabay