Le poulain de zéro à six mois – Partie 1

Le printemps est la saison des naissances. Comment analyser le comportement du nouveau né ? Quelles sont ses constantes vitales ? Les critères de bonne santé ? Les signes d’alerte qui nécessitent une intervention ? Autant de repères potentiellement déterminants pour sa survie et les premières semaines de sa croissance.

La plupart des éleveurs de chevaux de sport prennent la précaution de placer les poulinières sur le point de mettre bas sous observation à l’écurie, de manière à pouvoir intervenir au plus vite si nécessaire (voir notre article sur les moyens de surveillance du poulinage). Lors de la naissance, le premier réflexe consiste à dégager les voies aériennes du poulain si celles-ci sont obstruées ou recouvertes. En effet, il arrive que la poche des eaux, voire le placenta, recouvrent les narines du nouveau né. Il faut alors déchirer la membrane et dégager la bouche et les naseaux du poulain rapidement pour qu’il puisse respirer librement. Dès les premières minutes qui suivent sa naissance, le poulain se positionne en décubitus sternal (antérieurs repliés), tient sa tête, et affiche quelques tremblements et réflexes de redressement. Lors d’une mise bas qui se déroule normalement, la jument provoque la rupture du cordon ombilical quelques minutes après le poulinage lorsqu’elle se relève. Le cordon, ainsi étiré, se rompt à quelques centimètres du ventre du poulain et l’hémostase (phénomène qui génère l’arrêt du saignement) se fait alors naturellement. Si un saignement plus ou moins important persiste plusieurs minutes après la rupture, placer une pince hémostatique (clamp) sur l’extrémité du cordon pour stopper l’hémorragie. Si le cordon n’est pas rompu dans les vingt minutes qui suivent la naissance, y placer une main afin de sentir le pouls du poulain, attendre que la circulation se réduise dans le placenta et retourne vers le poulain avant d’intervenir. Placer ensuite une pince hémostatique à cinq ou dix centimètres de son ventre, de part et d’autre de l’emplacement naturel de rupture, matérialisé par un léger rétrécissement et parfois une sorte d’anneau blanc, puis tourner et rompre le cordon sans exercer de tension sur la paroi abdominale. Toujours désinfecter au minimum deux fois par jour l’extrémité du cordon avec une solution de teinture d’iode diluée à 2% (préparée par un pharmacien) et surveiller attentivement son assèchement supposé intervenir dans les 24 heures, tandis que la cicatrisation complète intervient dans les 15 jours. Eviter les instruments tranchants et les sutures, potentiels générateurs d’infection, car les vestiges du cordon, plaie en relation directe avec l’abdomen du poulain, constituent une porte d’entrée de germes causant une infection généralisée (septicémie) ou localisée (polyarthrite, ostéomyélite, pneumonie). Par ailleurs, la pénétration des germes issus de l’environnement (sol, litière), facilitée par la localisation de l’ombilic, ne provoque pas forcément de gonflement externe et passe souvent inaperçue au début.

Les premières heures

Dans les 20 premières minutes de la vie du poulain, il est nécessaire de vérifier son réflexe de succion en mettant un doigt propre dans sa bouche. Par ailleurs, un poulain en bonne santé, même encore instable et malhabile sur ses membres, est censé se tenir debout seul dans les deux ou trois heures. Cette autonomie lui permettra d’aller téter sa mère et d’absorber le précieux colostrum, premier “lait” produit par la jument lors de la mise bas, qui contient les anticorps indispensables au transfert de l’immunité passive de la mère à son poulain. Pour s’assurer de la qualité du colostrum, le tester à l’aide d’un colotest, et faire absorber au poulain un colostrum de substitution au biberon si nécessaire. (voir notre article sur le colostrum). À noter : un poulain insuffisamment immunisé présente 50% de risques de tomber malade et 25% de risques de mourir. Le poulain qui se lève en moyenne dans la première heure prend sa première tétée dans le courant de la deuxième heure, puis adopte un rythme de sept tétées par heure. Outre l’apport vital en anticorps, l’absorption du colostrum facilite l’expulsion du méconium, ou matière fécale produite dans l’intestin avant la naissance, dans les 4 heures. En cas de rétention de cette matière, afin d’éviter la constipation, il est conseillé d’administrer un laxatif après la première tétée en prenant soin de ne pas irriter la muqueuse rectale. La première miction (émission d’urine) se déroule le plus souvent dans les 6 heures pour les mâles et dans les 11 heures pour les femelles. À partir de 8 à 10 heures de vie, les urines sont normalement fréquentes et diluées.

Repères vitaux et signes d’alerte

Un poulain en bonne santé affiche une température corporelle de 37-38°C, ses muqueuses sont roses, son rythme respiratoire de 60 à 80 respirations par minute lors de sa première heure de vie, de 20 à 40 ensuite, pour un rythme cardiaque de 40 à 80 battements par minute de 0 à 5 minutes de vie, de 120 à 140 dans les douze premières minutes de vie, puis de 70 à 100 entre 12 et 24 heures de vie. 

En revanche, il est légitime de s’inquiéter si le poulain tarde à adopter la station debout, d’où un retard dans l’absorption du colostrum, voire s’il refuse de téter. Parmi les raisons de s’alerter sur la santé du poulain et de consulter le vétérinaire au plus vite, des signes d’abattement, des muqueuses (gencives, tour de l’œil) rouges pâle, jaunes ou violettes, de la fièvre (au-delà de 38.5°C) ou au contraire de l’hypothermie (en deçà de 37°C), un rythme respiratoire accéléré, la présence de méconium au coin des yeux, de lait autour des naseaux, un signe de constipation, de distension abdominale, de colique, des difficultés à uriner, un ombilic gros, chaud et humide, et à fortiori des convulsions. Les boiteries, l’hyper laxité tendineuse (boulets par terre) et autres déformations des membres sont à l’évidence des sources légitimes d’inquiétude.

Au cours d’un second volet de ce dossier, nous passerons en revue les divers soins à apporter au poulain, ainsi que les premières phases de son éducation, jusqu’au sevrage, étape cruciale dans sa vie.

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