L'E
L’Expérience

L’élevage Mouche essaime ses pépites

Sylvia Flahaut 4 mars 2024

Mouche. Cet affixe vous dit forcément quelque chose, car l’élevage de Julien, Mathieu et Victorien Bellet s’est distingué à de nombreuses reprises en 2023. Derrière ces succès, il y a une passion familiale de plusieurs générations, des heures de labeur non comptées et une organisation du travail bien rodée.  

À maintes reprises l’année passée, l’élevage Mouche a fait parler de lui. Lors de la Grande Semaine de Fontainebleau, Izalia Mouche (Candy de Nantuel*GFE x Quartz du Chanu) a été sacrée championne des juments de cinq ans tandis qu’Illico Mouche (Kannan, KWPN x Calvaro, Holst), terminait cinquième et était labellisé Élite chez les entiers et hongres de cinq ans également. Ce dernier, sous la selle de Jérémy Floch, était d’ailleurs de la partie à Valkenswaard pour représenter le Selle Français au sein de la première édition du Trophée des stud-books. À Pompadour, chez les quatre ans, Jackson Mouche (Putch des Isles x Quartz du Chanu) a terminé cinquième et Élite, tandis que la toute jeune Nyx Mouche (Hip Hop de Laume x C Indoctro, Holst) terminait deuxième de la section des jeunes femelles du championnat des foals 2023. Si les couleurs de l’élevage se sont déversées sur nombre de podiums et classements des championnats nationaux 2023, l’affixe s’est également distingué à haut niveau avec les performances passées de Tower Mouche (Diamant de Semilly), ISO 170, Iasco Mouche (Papillon Rouge), ISO 167, et actuelles d’Epsy Mouche (Quintus D’09, Bwp), ISO 153, sous la selle de Maëlle Martin, de Claptonn Mouche (Conrad, Holst), ISO 163, associé à l’Allemand Daniel Deusser ou encore Delia Mouche (Kannan, KWPN), ISO 147, avec Simon Barthe. 

C’est paradoxalement lors d’un événement où ils n’avaient pas de chevaux en lice que nous avons rencontré Mathieu et Julien Bellet, à Saint-Lô, lors des approbations des jeunes étalons Selle Français, en décembre dernier. Pour autant, les deux éleveurs manquent rarement l’opportunité de venir observer les futurs reproducteurs du stud-book tricolore. Ils sont installés à une cinquantaine de kilomètres du Pôle hippique de Saint-Lô, à La Mouche, petite bourgade d’environ deux-cent-cinquante habitants, au lieu-dit La Rouannière. 

La Rouannière, depuis quatre générations

L’élevage Mouche est une affaire de famille. Un héritage du passé, que les trois frères Bellet, Julien, quarante-quatre ans, Victorien, quarante-trois ans, et Mathieu, le cadet de quarante ans, perpétuent avec passion. « Notre arrière grand-mère travaillait déjà à la ferme de la Rouannière, qu’elle louait », situe Julien. La structure se situe au milieu du triangle formé par Granville, Avranches et Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, non loin du Mont Saint-Michel. « Mes grands-parents, René et Madeleine, ont eu l’occasion d’acheter la ferme en 1972 et l’activité agricole familiale s’y est développée. Notre grand-père était un homme de cheval et il a commencé à élever des chevaux de sport. L’une de nos meilleures souches est d’ailleurs une poulinière, fille d’Uriel, Diane de Courcy, qu’il avait laissée à papa. Notre père, Roland, a mis Diane à Pot d’Or et nous avons eu Urelia de Courcy, qui a produit de façon exceptionnelle. C’est l’une de nos meilleures souches. »

Roland et Marie-Christine Bellet, les parents de Julien, Victorien et Mathieu, ont repris l’activité à La Rouannière en 1978, de René et Madeleine, parents de Roland. Dans les années 1980, suite à la problématique des quotas laitiers qui les limitait dans la production, ils ont décidé de mettre davantage l’accent sur l’élevage équin. Ils font alors l’acquisition de jeunes juments destinées à la reproduction, à l’instar de Valse du Marais (Matador du Bois x Largny, PS) et Vesta des Plaine (In Chala A x Un Prince, PS). « Nous travaillons également avec la souche de Gazelle de la famille Pignolet », poursuit Julien Bellet. « Nous avions des propriétaires italiens à la maison et leur avions conseillé d’investir dans une fille de Kannan, Noblesse d’Elle. Elle a très bien tourné en Italie. Ils l’ont ensuite mise à la reproduction et nous avons eu l’occasion de faire l’acquisition d’une de ses filles par Diamant de Semilly, Alba Castleforte. C’est une autre souche à partir de laquelle nous travaillons. »

Continuité et changement de pratiques

C’est au début des années 2000 que les frères Bellet, baignés dans l’activité agricole et dans l’élevage de chevaux de sport depuis leur enfance, prennent le flambeau de leurs parents, qui faisaient naître entre six et huit poulains chaque année. Cependant, ils reconnaissent qu’ils ont assez peu vu les produits à l’affixe Mouche évoluer. « À l’époque, les éleveurs vendaient beaucoup leurs foals », indique Mathieu. « Papy et papa cherchaient à produire de beaux poulains, avec de jolis modèles, et les commercialisaient rapidement aux étalonniers. À ce moment-là, il y avait Gilbert Lefèvre, Jean-Claude Daguet… Il ne restait jamais un mâle à l’élevage ! Ils gardaient les femelles. A contrario de nos choix actuels – et on nous l’a d’ailleurs reproché – qui consistent à également commercialiser les femelles. Alexis Pignolet le disait également : une femelle, on ne la vend pas. Mais aujourd’hui, nous faisons naître environ vingt-cinq poulains par an et nous ne pouvons simplement pas tous les garder. »

Pour les jeunes Julien et Mathieu, l’agriculture et l’élevage de chevaux sont des évidences, tandis que Victorien choisit quelque peu de s’émanciper de la tradition familiale et trace notamment sa voie professionnelle dans le secteur du transport. Après des diplômes et de l’expérience prise au sein de différentes maisons (Alain Hinard, Jacques Friand, Franck Schillewaert…) en France et à l’étranger, Julien et Mathieu rejoignent la structure familiale. « Le fait de monter à cheval, de savoir ce qu’est un cheval et de le comprendre nous a aidés dans notre métier, c’est indéniable », assure Julien. « On a un œil plus éclairé que notre père qui n’a pas monté à cheval. Parfois, il nous arrive d’être en désaccord et le ressenti apporté par le fait d’être en selle nous permet de nous orienter vers des choix plus pertinents. »

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Crédit photo à la une: Coll.