L'E
L’Expérience

Loïc Devedu, la force tranquille

Emilie Dupont 22 novembre 2023

À la fois dans l’ombre et au cœur de la performance, longeur, dresseur et écuyer du Cadre noir de Saumur, Loïc Devedu est un touche-à-tout. Rencontre avec un homme humble et discret, au savoir-faire redoutablement efficace.

Il est de ces acteurs de l’ombre, sans qui les performances des sportifs ne seraient peut-être pas ce qu’elles sont. Derrière les exceptionnelles prestations de Lambert Leclézio, quadruple champion du monde en titre, il y avait notamment Loïc Devedu, longeur de Estado*IFCE (Spielberg, KWPN). Car s’il est bien une discipline dans laquelle les réussites sont avant tout celle d’un trio, c’est la voltige. « En deux ans, Loïc a fait un énorme travail sur Estado. Il a su s’adapter à lui, le faire progresser. En 2021, en raison du manque d’expérience du cheval, on se basait beaucoup sur moi, mes programmes, ma technique, et on laissait Estado stable, on ne le poussait pas pour qu’il aille chercher des notes plus hautes. L’année suivante, nous avons vraiment pris les choses en main pour présenter le cheval au mieux de ce qu’il pouvait être. En tant que longeur, Loïc n’a pas géré que des situations évidentes et a su faire preuve de beaucoup d’adaptation. Mais tout ce travail a fait d’Estado le meilleur cheval des championnats du monde de Herning. C’est un très bel accomplissement », expliquait Lambert Leclézio qui, à l’issue de chacune des huit compétitions auxquelles il a participé avec Loïc Devedu et Estado*IFCE, n’a jamais manqué de souligner l’importance du travail du longeur. Et au-delà de son travail, le voltigeur a également tenu à mentionner les autres qualités de celui avec qui il est allé chercher de nouvelles victoires à travers l’Europe au cours de ces deux dernières années. « Loïc est quelqu’un de très calme. C’est un de ses points forts, surtout dans des situations comme celles que nous avons pu vivre à Herning, ou même au quotidien. Il a beaucoup de sang froid, il ne se laisse jamais envahir par la pression, il ne dégage jamais de mauvaises ondes, ce qui est vraiment très appréciable. Et, à côté de ça, il est également très taquin, ce qui met tout de suite une bonne ambiance », insistait Lambert Leclézio, qui n’oubliera certainement jamais ces deux belles années aux côtés de l’écuyer de vingt-six ans.

Loïc Devedu et Lambert Leclézio, ici lors des championnats du monde de Herning en 2022. Ph. FEI/Richard Juilliart.

Touche-à-tout

Si, pendant deux ans, Loïc Devedu fait beaucoup parler de lui en étant le coéquipier du meilleur voltigeur de l’Histoire, au quotidien, ce n’est pourtant pas la voltige qui rythme sa vie. Auparavant aspirant-écuyer et, depuis le 20 novembre 2023, écuyer au Cadre noir de Saumur, il est également cavalier de dressage et enseignant. « Mes journées commencent généralement par des cours, que je donne à l’École nationale d’équitation. Ensuite, je monte les chevaux du Cadre noir, qu’il s’agisse de chevaux de dressage, de gala ou de saut d’obstacles. L’après-midi, j’organise mon temps un peu comme je le souhaite. Souvent, entre midi et deux, je travaillais avec Lambert, une à deux fois par semaine, ou je montais Estado en extérieur ou sur le plat. Sinon, l’après-midi, je le consacre généralement à monter les chevaux de compétition en dressage », expliquait Loïc Devedu, pour qui les journées sont toujours bien chargées. « Il est très dynamique, il court partout, il enchaîne les chevaux, les cours, etc. », nous confirmait Lambert Leclézio.

Cette polyvalence, Loïc Devedu semble en faire preuve depuis toujours. Car avant de devenir cavalier de dressage et écuyer, il a un peu touché à tout. D’abord cavalier de concours complet et de saut d’obstacles, il s’est ensuite essayé – avec succès – à la voltige. « Lorsque j’avais dix ans, j’ai fait un stage avec Matthias Lang, par hasard. J’ai tout de suite accroché à la discipline, alors je m’y suis mis. J’étais à la fois cavalier et voltigeur, je pratiquais plusieurs disciplines en même temps », se souvient-il. Indéniablement doué pour la voltige, Loïc Devedu, alors basé au centre équestre du Pilon à Manosque, dans le Sud de la France, s’est illustré en compétitions internationales, jusque dans la catégorie Juniors, avant de croiser la route d’un certain Davy Delaire. « Un jour, alors que je montais ma jument, il m’a demandé si cela m’intéressait de venir au Pôle France de Saumur pour devenir cavalier et les aider à longer. Le projet est parti un peu comme ça et comme je voulais intégrer le Cadre noir depuis longtemps, je suis rentré en formation sport par le biais du pôle voltige, en tant que cavalier de complet et cavalier d’entraînement pour les chevaux de voltige, que je longeais tout en suivant ma formation au Cadre noir », raconte Loïc Devedu, qui a ainsi notamment été le longeur d’Estelle Chauvet, qui s’est illustrée en CVI3* et lors des championnats d’Europe de Ermelo en 2019.

Peu de temps après, c’est de nouveau vers Loïc Devedu que Davy Delaire se tourne, au moment de trouver un nouveau cheval pour Lambert Leclézio. La suite ? Elle n’a été que succès. Sur huit compétitions auxquelles Lambert, Loïc et Estado ont participé, le trio en a remporté sept, dont les championnats du monde de Budapest en 2021 ainsi que le mythique CVIO4* d’Aix-la-Chapelle et les championnats du monde de Herning l’année suivante. « Ces deux années sont passées bien trop vite. J’ai l’impression que nous avons essayé le cheval hier », confie le longeur. « Ça a été une très belle expérience et c’est vraiment chouette d’avoir pu longer quelqu’un comme Lambert, qui a un tel palmarès et qui est incroyablement doué. Si Estado a pu être mis aussi vite à la voltige, c’est aussi parce que c’était Lambert le voltigeur. On aurait presque pu aller en compétition dès le premier jour. Je me souviens d’ailleurs du premier essai, il volait sur le cheval. Il ne le touche jamais, ne le gêne jamais. On s’est tout de suite dit “c’est lui” », ajoute-t-il. « Sans Estado et sans Lambert, je n’aurais peut-être pas pu faire l’expérience du très haut niveau comme j’en ai eu l’occasion pendant deux ans », souligne également Loïc Devedu, non sans émotion.

Ph. Eric Knoll.

Garder un pied dans la voltige mais prioriser le dressage

Après ces deux belles années riches en émotions, en médailles et en records, aux côtés de Lambert et Estado, Loïc ne se disait pas fermer à poursuivre sa carrière de longeur. « Je pense que je continuerai à travailler des chevaux pour la voltige. Je suis initialement un cavalier de dressage et, aujourd’hui, les chevaux de voltige sont très bien dressés, très compétitifs. Je pense que je m’attacherai encore à former des chevaux qui n’excellent pas en dressage mais qui conviendraient très bien à la voltige. Je garderai un pied dans la discipline comme ça », explique l’écuyer qui, à seulement vingt-six ans, se laisse également la possibilité d’accompagner à nouveau des voltigeurs vers et au plus haut niveau.

Mais, comme il le souligne lui-même, Loïc Devedu est avant tout un cavalier de dressage et a le souhait de faire passer sa carrière dans cette discipline au premier plan. « J’ai toujours à cœur de dresser des chevaux pour les emmener en compétition. En 2022, j’ai eu la chance d’avoir un cheval pour faire les U25. Depuis que je suis au Cadre noir, c’est-à-dire depuis quatre ans, j’ai pu énormément progresser, passer de la petite Pro 3 aux Grands Prix », souligne celui qui, évidemment, ne compte pas s’arrêter là et découvrir le haut niveau. « Surtout qu’au Cadre noir, nous avons la chance d’avoir une bonne équipe de dressage, nous nous entraidons beaucoup », ajoute Loïc qui, après l’ombre des manèges de voltige, s’illustre dans la lumière des rectangles de dressage. Et, comme le soulignait le Cadre Noir à l’occasion de l’annonce de sa promotion au grade d’écuyer, “peut-être un jour deviendra-t-il “Maître-écuyers”, titre obtenu par certains rares écuyers lorsque leur savoir et leur expérience sont reconnus de tous ou lorsqu’ils disposent d’un palmarès suffisamment prestigieux en compétition“.

Crédit photo à la une: Eric Knoll