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Richard Vogel : « Participer à certaines échéances majeures l’année dernière m’a permis d’acquérir beaucoup d’expérience »

La rédaction 7 mars 2024

Depuis quelques mois, et surtout depuis sa victoire du lors du CHI de Genève, Richard Vogel ne cesse de faire parler de lui. Quelques jours avant de prendre part à la prochaine échéance majeure du circuit Rolex, les Dutch Masters, le jeune Allemand est revenu sur sa victoire en Suisse, s’est confié au sujet de son exceptionnel United Touch S, son système, ou encore sa préparation aux grands événements du calendrier sportif. 

Vous êtes l’un des prétendants au Rolex Grand Slam of Show Jumping. Comment vous sentez-vous avant les Dutch Masters ?

Je suis excité et j’ai hâte de participer aux Dutch Masters. Ma position a beaucoup changé depuis le CHI de Genève puisque je ne faisais pas partie des favoris à l’approche de la compétition. J’étais considéré comme un jeune cavalier qui essayait d’acquérir de l’expérience dans ces épreuves. J’y suis allé avec la mentalité de vouloir donner le meilleur de moi-même et c’était donc incroyable pour moi et mon équipe de remporter le Grand Prix Rolex du CHI de Genève. Nous n’oublierons jamais cette épreuve, ce jour-là ou cette compétition. Ce fut et ce sera toujours un moment vraiment très spécial pour nous. Aux Dutch Masters, je ne dirais pas que je fais partie des favoris, mais les gens attendent désormais plus de moi. Je vais essayer d’être le plus compétitif possible et l’objectif est de gagner à nouveau. Ce sera la première fois que je participe à ce rendez-vous. Je n’en ai entendu que du bien, tous les cavaliers adorent cet événement, donc je suis impatient d’y aller, et encore plus excité d’y aller en tant que prétendant au Rolex Grand Slam of Show Jumping.

Pouvez-vous revenir sur votre victoire à Genève ?

C’était quelque chose de très spécial. Probablement d’autant plus spécial que le CHI de Genève était l’un des rendez-vous les plus importants de la saison dernière et que nous avions planifié notre année en fonction de cela. Avant le CHI de Genève, j’ai concouru pendant deux mois au Mexique. Nous n’y avions pas emmené United Touch S, que nous avions laissé à la maison avec un programme d’entraînement pour lui et sa groom, Naomi. Elle l’a gardé en très bonne forme pendant notre absence de deux mois. Je suis rentré chez moi seulement deux à trois semaines avant le CHI de Genève. Nous avons peaufiné les préparatifs autant que possible au cours de ces semaines-là et avions le sentiment d’être en bonne forme. J’ai emmené United Touch S alors que le reste de mes chevaux s’est envolé directement du Mexique pour Wellington, en Floride. C’était une compétition assez inhabituelle pour mon équipe puisque nous n’avons concouru que dans deux épreuves, la première qualification pour le Grand Prix et le Grand Prix Rolex lui-même. La semaine m’a parut bien longue avec un seul cheval et deux épreuves, je préfère être occupé. J’aime avoir quelques épreuves par jour, ou au moins quelques chevaux pour pouvoir faire du travail sur plat le matin et participer à certaines épreuves l’après-midi. Le jour du Grand Prix Rolex, United Touch S se sentait très bien. Nous avions fait une bonne détente et je pense que la chance était définitivement de notre côté. Nous avions été sans faute au premier tour, puis au barrage, je me suis dit que nous n’avions rien à perdre et qu’il fallait tenter le coup. Je me suis senti extrêmement chanceux, heureux et honoré que tout se passe comme cela.

Richard Vogel et United Touch S, ici après leur victoire dans le Grand Prix Rolex de Genève. Ph. Rolex Grand Slam/Thomas Lovelock.

United Touch S est un cheval incroyable. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ?

Oui, United Touch S est un cheval incroyable. Je ne me suis jamais assis et ne monterai probablement plus jamais sur un cheval avec autant d’envergure. Il a aussi une telle volonté de sauter et une frappe si puissante, c’est une sensation très spéciale de pouvoir le monter. Je suis vraiment très reconnaissant envers son éleveur et propriétaire de me l’avoir confié. Au début, nous avons eu quelques problèmes avec les lignes assez techniques. J’ai dû trouver une manière d’adapter les parcours à sa foulée tant elle est grande. Il lui est difficile de la raccourcir, mais il y arrive de mieux en mieux, et nous essayons toujours de progresser ! Au début également, je me suis rendu compte que je réfléchissais trop à ma façon de le monter ainsi qu’aux parcours et aux lignes. J’essayais toujours de m’en tenir aux lignes normales qui figuraient dans les parcours habituels en compétition. S’il y avait sept foulées courtes, j’essayais d’en faire sept courtes. Mais j’ai fini par comprendre qu’il était plus facile de faire une foulée de moins. Il lui a fallu du temps pour trouver comment s’adapter à chaque parcours. Je dirais que nous avons grandi ensemble et sommes devenus une équipe solide. United Touch S m’aide beaucoup et j’essaie de faire la même chose de mon côté pour lui. J’essaie d’adapter les parcours autant que possible, par exemple en faisant un virage plus serré ou en faisant une foulée de moins. Je connais ses forces et ses faiblesses, et j’essaie d’adapter les parcours à partir de cela.

Comment se comporte United Touch S à la maison ?

Lorsque je suis en piste avec United Touch S, il est assez tendu et sensible, il faut dire qu’il a beaucoup de sang. Quand nous ne sommes pas en compétition, ou même quand il est dans la zone des écuries lors d’un concours ou à la maison, il est vraiment détendu et très calme. C’est un cheval froid. Il est étalon mais ne se comporte pas vraiment comme tel. On peut monter à côté de juments sans problème. Il se comporte très bien et est un travailleur acharné. Comme je l’ai dit, nous travaillons sur sa foulée. Nous faisons ce travail peut-être trois ou quatre fois par semaine, les autres fois, il fait d’autres choses, comme des sorties en extérieur. Travailler sa foulée est difficile pour lui, mais il aime ça et aime s’améliorer. Je peux vraiment sentir qu’il reconnaît lui-même les améliorations et qu’il aime le processus et le travail acharné nécessaires pour s’améliorer.

Comment vous êtes-vous préparé pour les Dutch Masters ? Ressentez-vous une pression supplémentaire en sachant que vous êtes l’un des favoris ?

Nous nous préparons toujours un peu de la même façon. Selon moi, un peu de pression supplémentaire est une bonne chose, cela nous permet de mieux nous concentrer. Nous nous concentrons sur les Dutch Masters depuis le CHI de Genève et nous avons essayé de mettre en œuvre la meilleure préparation pour cette compétition. Je n’emmènerai pas United Touch S avec moi aux Dutch Masters mais un autre de mes très bons chevaux, Cepano Baboulet. L’arène de Bois-le-Duc est plus petite qu’au CHI de Genève et je pense qu’elle lui conviendra mieux. Cepano Baboulet a couru au Mexique en fin d’année dernière et a passé ces derniers mois à Wellington. Je l’ai engagé dans trois épreuves là-bas, principalement lors des qualifications du Grand Prix pour m’assurer qu’il était frais avant l’épreuve majeure. Il s’est envolé pour l’Europe la semaine dernière et séjourne dans nos écuries en Allemagne. De là, nous nous rendrons ensemble à Bois-le-Duc.

Pouvez-vous nous parler des autres chevaux de votre piquet ? Pensez-vous que l’un d’entre eux possède les qualités nécessaires pour remporter un Rolex Grand Slam of Show Jumping Major ?

Je suis très chanceux. J’ai un très bon piquet de chevaux comme United Touch S et Cepano Baloubet. Cepano Baloubet a remporté des épreuves au CHIO d’Aix-la-Chapelle l’année dernière et il a participé à la Coupe des nations du CSIO de Calgary. L’année dernière, j’ai considéré Cepano Baloubet comme mon deuxième cheval puisqu’il n’avait que neuf ans. Ce fut une expérience formidable pour lui de participer aux grands concours et de sauter les qualifications du Grand Prix et la Coupe des nations. Il a maintenant un an de plus et est prêt à passer au niveau supérieur. Il a participé à plusieurs Grands Prix 5*, mais ils étaient plus petits que les Grands Prix Rolex Grand Slam. Il n’a jamais sauté à ce niveau auparavant, mais il a remporté deux épreuves 5* l’année dernière, donc je suis très confiant dans notre capacité à être compétitifs. J’ai un autre cheval de dix ans très prometteur qui s’appelle Cydello, qui est arrivé récemment dans mes écuries. Nous fondons tous de très grands espoirs en lui. Il est probablement le contraire de United Touch S, il est tout petit, mais tout comme United, il a une incroyable envie de sauter, il est très motivé et intelligent. Il a une manière et un style différents mais sa volonté est similaire. Il est encore assez vert dans le travail et inexpérimenté en compétition mais je pense qu’il a les moyens de concourir au plus haut niveau.

Les Dutch Masters, comme le CHI de Genève, se déroulent en indoor. Votre préparation diffère-t-elle pour les compétitions en intérieur et celles en extérieur ?

De manière générale, notre préparation reste assez similaire. Avant le CHI de Genève avec United Touch S, j’ai sauté en manège et travaillé quelques lignes plus courtes pour l’habituer. Cependant, l’arène du CHI de Genève est plus grande que la plupart des pistes extérieures sur lesquelles nous concourons. Ce n’est pas un indoor typique. Avant les Dutch Masters, sur le plan logistique, il ne sera pas possible de concourir avec Cepano Baloubet en indoor puisqu’il est en Floride et qu’il n’y a pas ce type de compétition là-bas. Nous avons la chance de pouvoir y monter dehors sous le soleil, c’est d’ailleurs l’une des principales raisons pour lesquelles nous y allons, car c’est mieux pour les chevaux. Je n’ai jamais sauté avec Cepano Baboulet en indoor, mais je ne crains pas que cela fasse une grande différence pour lui. Nos chevaux sont très expérimentés et dès leur entrée en piste, ils savent quel est leur métier et restent concentrés sur les obstacles. Si vous avez un cheval moins expérimenté, il peut facilement se laisser submerger par la foule. Elle est généralement beaucoup plus proche de la carrière et l’ambiance est très différente d’une compétition en extérieur, donc les chevaux peuvent le ressentir. Lors d’un concours en indoor, l’ambiance est plus intense, mais les chevaux expérimentés y sont habitués et savent qu’ils doivent se concentrer sur leur travail et ne pas se laisser distraire.

Quel rôle joue votre équipe (grooms, vétérinaires, etc.) dans votre réussite ?

Ils sont très importants, chacun joue un rôle essentiel. Si vous enlevez ne serait-ce qu’une seule personne dans cette équipe, cela aura certainement des conséquences négatives. Cela ne garantit pas de remporter l’un des Majors, mais sans les bases créées par l’équipe, il n’y aurait aucune chance de réussir au plus haut niveau. Une grande part de responsabilité incombe aux grooms. Felicia est celle qui m’accompagne lors de toutes mes compétitions les plus importantes. Elle voyagera avec moi de Wellington à l’Allemagne. Si je participe à un concours d’entraînement, elle n’est peut-être pas forcément là, mais elle ne manque qu’un ou deux concours par an. Chez moi, en Allemagne, j’ai des collaborateurs formidables et fiables. Ici à Wellington, nous avons actuellement une nouvelle membre, Maggie, qui n’est pas aussi expérimentée mais qui fait un excellent travail. Chaque fois que nous allons à un concours, elle reste aux écuries pour s’occuper des chevaux qui ne sont pas présents cette semaine-là. Nous faisons des allers-retours, ce n’est qu’à dix minutes du lieu du concours donc nous pouvons y être souvent. En Europe, les choses sont un peu différentes car les concours ont lieu à quelques heures de chez soi, ou parfois même pas en Europe comme le tournoi CSIO de Calgary. C’est pourquoi nous avons besoin d’une bonne équipe à la maison, qui connaît les chevaux, qui sait bien les monter, qui sait bien longer et qui a également un certain feeling avec les chevaux. Ils doivent être capables de voir le moindre changement chez eux. Nous voulons toujours avoir une longueur d’avance car parfois, si vous prenez conscience d’un problème trop tard, il peut alors être plus difficile de soigner le cheval. Mieux vaut reconnaître les signes avant-coureurs le plus tôt possible. C’est ce que nous essayons de faire et c’est pourquoi nous avons besoin de personnes très compétentes. Nous souhaitons prodiguer les meilleurs soins possibles à nos chevaux. Nous travaillons avec deux très bons maréchaux-ferrants : Christian Götz, qui s’occupe des chevaux plus âgés, et Manuel Black, qui est également très bon et qui s’occupe des chevaux plus jeunes. Chaque fois que nous sommes en difficulté avec un cheval, nous avons deux avis différents, mais chacun est important. Nos vétérinaires, Shane Fouhy et Ulli Laege, prennent également vraiment soin de nos chevaux. Ils ont la même philosophie que nous : avoir une longueur d’avance. Nous n’attendons pas qu’un cheval boite pour réagir, nous veillons toujours à ce que nos chevaux soient le plus en forme possible. Je pense que c’est extrêmement important si vous voulez concourir au plus haut niveau. Les chevaux doivent également être bien dans leur tête. C’est pourquoi je dis qu’il y a beaucoup de responsabilités qui incombent aux grooms. Ils ont besoin de savoir quand un cheval a besoin d’être travaillé davantage ou s’ils ont besoin de plus de temps en piste ou même d’une promenade en forêt. Nous sommes convaincus que l’esprit et la santé mentale du cheval jouent un rôle important dans sa performance. Il y a beaucoup de choses différentes auxquelles il faut penser et être au top, j’ai beaucoup de chance d’avoir une grande équipe. Ce serait impossible de faire tout ça sans eux. Il y a un dicton qui dit qu’« il faut tout un village » et je pense que c’est très vrai.

“Il y a beaucoup d’échecs sur le chemin du succès, mais utilisez-les et tirez-en des conclusions”

Le Rolex Grand Slam of Show Jumping fête ses dix ans. Quel impact a-t-il eu sur le sport, selon vous ?

Je ne peux imaginer ce sport sans le Rolex Grand Slam of Show Jumping. Pour moi, c’est le summum du sport aux côtés des Jeux olympiques et des championnats du monde. Les cavaliers qui participent aux Dutch Masters, au CHIO d’Aix-la-Chapelle, au CSIO de Spruce Meadows et au CHI de Genève sont les meilleurs au monde. Parmi les trente meilleurs cavaliers au monde, il y en aura toujours vingt-cinq ou plus qui y concourent. Ces événements rassemblent donc les meilleurs pilotes avec leurs meilleurs chevaux, et tous sont capables de gagner l’épreuve. C’est très compétitif et difficile mais cela porte notre sport à un tout autre niveau. Participer à ces concours l’année dernière m’a permis d’acquérir beaucoup d’expérience. C’était une excellente occasion de voir comment les meilleurs cavaliers échauffent leurs chevaux ou comment ils marchent le parcours. Parfois, il s’agissait de très petits détails, mais pour quelqu’un comme moi, qui est moins expérimenté, c’est très formateur.

Quelle est selon vous l’importance des tournois sportifs majeurs, comme le CHIO d’Aix-la-Chapelle en équitation ou le tournoi de Wimbledon au tennis ?

Je pense qu’ils sont très importants. Par exemple, je ne suis pas un grand amateur de tennis ou de golf, mais je connais quand même les Majors et je sais quand ils ont lieu. Peut-être que les gens ne regardent pas tout le tournoi, mais ils sont intéressés par le résultat. Je pense qu’ils permettent également de comprendre que celui qui remporte un Major est l’un des meilleurs du sport en question en ce moment. Pour quelqu’un qui n’aime pas vraiment ce sport, c’est un bon indicateur pour voir qui est au sommet de sa discipline.

Si vous n’aviez pas été un cavalier de saut d’obstacles, qu’auriez-vous été ? 

J’aurais été agriculteur sur les terres de mon grand-père.

Quel est le meilleur conseil que l’on vous ait donné ? 

Je pense que le meilleur conseil que l’on m’a donné est de ne jamais baisser les bras, de toujours continuer à me battre. Il y a beaucoup d’échecs sur le chemin du succès, mais utilisez-les et tirez-en des conclusions. Il est également important de ne pas avoir peur de l’échec ou de perdre. Si vous échouez, apprenez de vos erreurs et essayez de faire mieux la prochaine fois. C’est ce que je me suis dit en entrant en piste lors du barrage du CHI de Genève. Je ne pense pas que ce soit le parcours sans faute le plus sûr que j’ai jamais réalisé, mais j’ai vu l’opportunité de gagner. Si vous risquez quelque chose, cela s’avère souvent payant, et si ce n’est pas le cas, vous pouvez apprendre de votre erreur.

(avec communiqué)

Crédit photo à la une: FEI/Richard Juilliart