Sébastien Jaulin, vingt ans d’expertise au sujet de l’influence de la génétique sur le mental des jeunes chevaux

Depuis une vingtaine d’années, Sébastien Jaulin débourre et rééduque des chevaux de sport, principalement au Haras de Hus. Au total, il est intervenu sur près de 2000 chevaux. Une expertise qui lui permet d’avoir un œil avisé au sujet de l’influence de la génétique sur le mental des jeunes chevaux.

« Sur l’ensemble des chevaux pour lesquels je suis intervenu, 90% concernaient du débourrage entre 2 et 4 ans, 5% de la préparation de foals ou d’étalons pour des ventes et 10% de la rééducation, en majorité d’étalons pour des ventes aux enchères », explique Sébastien Jaulin. Issu d’une famille de viticulteurs et ayant suivi un cursus universitaire, ce passionné de chevaux a bifurqué vers une carrière dans la filière à 23 ans. C’est alors qu’il se lance dans un parcours dans le débourrage, ainsi qu’une formation équestre et à l’éthologie à La Cense pendant 30 mois, avant de décrocher un poste au Haras de Hus.

Sébastien Jaulin a une manière de fonctionner bien à lui : quand il voit que cela ne fonctionne pas, il cherche et monte en compétence. Et c’est cette démarche qui lui a permis d’évoluer. « Avec le recul, je me rends compte que 95% des rééducations partent d’une douleur physique. Les premières défenses viennent de la douleur », affirme-t-il. Dans son approche, il a ainsi mis en place une méthode : trouver le déclencheur de la défense, et reconditionner, c’est-à-dire changer la réponse. Mais pour cela, il faut une approche globale.

À chaque race ses particularités

Son expérience lui permet d’avoir un œil assez précis sur les différentes races. « Historiquement, les Selles Français Originels sont plutôt costauds, avec du cadre et une encolure courte, comme Le Tot de Semilly par exemple. Ils sont difficilement destructibles. Ils ne vont pas se faire mal au dos car ils en ont un fort. Ils ont une constitution solide et sont peu regardants, moins émotifs vis-à-vis de l’environnement », analyse Sébastien Jaulin. Quand il compare le Selle Français Originel aux chevaux allemands et néerlandais, le professionnel dresse de grandes lignes, qu’il faut prendre comme des généralités. « Les chevaux néerlandais ont plus de sang que les chevaux allemands, mais moins de dos et sont greffés plus haut, et ils ont donc plus de risques de se blesser s’ils ne sont pas musclés dans le bon sens. Les chevaux allemands sont plus solides, mais on doit apprendre à gérer leur amplitude et leur bout de devant. » Comme il le souligne également, chaque race conserve sa particularité. « Les chevaux allemands possèdent plus de locomotion et doivent donc être plus travaillés », précise le spécialiste du débourrage du Haras de Hus. « La manière de travailler les jeunes chevaux est aussi différente en Allemagne et aux Pays-Bas, où l’on commence à les muscler à la longe. En revanche, les cavaliers français de saut d’obstacles travaillent moins à pied au début. Mais, cela évolue dans le bon sens. Si on regarde les chevaux, ils peuvent être plus performants si une relation juste est établie dès le départ. » 

Du côté du dressage

Au Haras de Hus, Sébastien Jaulin a rencontré de nombreux produits de Sandro Hit, Old. « J’ai constaté qu’ils ne voulaient pas trop se mettre à l’effort et qu’ils étaient très regardants sur l’environnement. Je devais être plus juste et plus rapide dans mes aides », explique-t-il. Don Juan de Hus, KWPN, marque quant à lui sa descendance différemment. « Les produits de cet étalon sont très peu confiants avec l’homme, mais une fois que la relation est établie, ils sont de très bons soldats et il faut savoir gérer leur locomotion. Aujourd’hui, les chevaux de dressage ont un modèle raccourci, plus léger, avec plus de sang et avec une arrière-main plus sous eux et plus rapide. » 

Pour correspondre exigences du Haras de Hus, où l’idée est de mettre des chevaux à peine débourrés assez rapidement sur le contact, il est important de comprendre chaque cheval dans sa globalité. Et pour cela, Sébastien Jaulin utilise le travail à pied, aux longues rênes et une approche physiologique avec l’aide des vétérinaires et des ostéopathes.

Du côté du saut d’obstacles

« Avec les produits de Banda de Hus, Old, nous avons des chevaux très confiants avec les cavaliers, un peu têtus et avec du sang, mais plus délicats dans leur locomotion, avec un grand galop. Et une technique de devant perfectible », analyse le professionnel. Selon lui, si la méthode est correcte, un cheval performant quand il est jeune le restera, si son physique le permet. « Avec la lignée de Conrad de Hus, Holst, j’ai vu des différences entre les mâles et les femelles. C’est un étalon très joueur. Ses produits mâles sont très marqués dans ce côté joueur, alors que les juments sont très sensibles. »

Avec au moins une vingtaine de débourrage de produits de Diamant de Semilly à son actif, il constate plutôt une homogénéité dans leur caractère, avec un tempérament affirmé. Il a amené de la locomotion aux Selle Français, mais il faut leur apprendre à gérer leur nuque.

Avec les produits de Cornet Obolensky, Bwp, Sébastien Jaulin a trouvé des bouches très difficiles et des chevaux raides sur la ligne du dessus. Mais la meilleure qu’il ait débourré, Corée de Hus, Westf, a gagné le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle avec Gregory Wathelet. « Corée, c’était ma chouchoute quand elle était jeune, elle était déjà franche. »

Une approche globale

Pour Sébastien Jaulin, il ne faut pas oublier de construire le cheval physiquement et mentalement en parallèle, en trouvant le bon dosage. Un cheval sain physiquement et mentalement rentre dans les aides, il n’est pas inquiet face aux demandes du cavalier. « 75% du travail se fait sur la confiance du cavalier et le reste sur le respect des aides », affirme-t-il.

Regarder les facteurs internes et les facteurs externes qui influent sur la performance du cheval n’est pas suffisant. Il faut un système global, avec un cavalier capable de s’adapter au cheval. Car on ne peut pas empêcher un cheval d’avoir peur mais on peut le conditionner pour l’habituer à une situation de stress. Il y a un autre élément important qui influence le caractère du cheval : ses conditions d’élevage. Sébastien Jaulin l’a constaté. « Quand les chevaux sont sur-manipulés, s’ils sont trop confiants, ils peuvent ne pas être d’accord avec trop de contraintes physiques. Alors que les chevaux élevés de manière un peu “sauvage” sont plus délicats lors des premières séances puis plus attentifs par la suite. »

Dans sa démarche, Sébastien Jaulin mélange sa connaissance du fonctionnement des chevaux dans leur milieu naturel et sa technique. Le cheval n’est pas qu’un appareil locomoteur, mais aussi un être vivant avec ses propres particularités liées à son espèce animale, celle des équidés, qui peuvent varier au fil de l’évolution génétique dans chaque stud-book, dans chaque lignée, dans chaque mariage.

Photo: Sébastien Jaulin lors d’une première sortie en poning de Kentucky de Hus (étalon Selle Français de 3 ans par Comme Il Faut, Westf, et Qaresse de Kreisker). Crédit : Coll./Morgan Froment.