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Surveiller le poulinage : oui, mais comment ?

Eperon 21 mars 2023

La naissance d’un poulain est un événement souvent nocturne dont tout éleveur souhaite anticiper le moment, pour y assister voire pour intervenir si nécessaire. Si rien ne remplacera jamais l’œil expert du professionnel, divers moyens de surveillance et de prévision sont disponibles.

La durée de la gestation chez la poulinière est comprise entre 320 et 365 jours. Durant les neuvième et dixième mois, il convient de l’observer quotidiennement, car les comportements varient de l’une à l’autre. Assez répandu, le dispositif de caméra vidéo (avec vue d’ensemble sur l’écurie ou placée en hauteur dans l’angle des boxes), relié à un écran situé dans le local de surveillance, au domicile du propriétaire ou à son téléphone grâce à une application, permet d’observer et d’entendre la jument à distance sans pour autant la perturber, y compris la nuit, grâce à une fonction de vision nocturne. Le marché propose une très large gamme de modèles à des tarifs variés selon les fonctions disponibles.

L’œil exercé de l’éleveur reste néanmoins essentiel pour identifier les signes comportementaux et physiologiques précurseurs du poulinage. Quelques jours avant la mise bas, se produisent un allongement de la vulve et un relâchement des ligaments, visible sur la croupe. Entre une et quatre semaines avant le terme, on observe un développement mammaire, qui ne constitue qu’un indicateur moyen et peu fiable d’une mise bas dans un délai de un à cinq jours. L’apparition de cire et la perte de lait au niveau des mamelles laissent présager une naissance dans un délai de un à quatre jours. À noter, les signes annonciateurs du poulinage chez une jument primipare (en attente de son premier poulain) sont plus discrets et requièrent une attention particulière.

L’étude des sécrétions mammaires

Lorsque les premières sécrétions apparaissent, l’éleveur dispose, grâce à la mesure de concentration du calcium, d’un outil de prévision relativement précis sur la date de la mise bas. La procédure consiste à prélever tous les jours à la même heure quelques millilitres de pré-colostrum ou de colostrum, dont on observe la couleur et la consistance mélangé dans un tube de six millilitres d’eau distillée (éviter l’eau du robinet, souvent riche en calcaire) avec un millilitre de lait dans lequel on trempe une bandelette (Merckoquant 10025) pendant une seconde. Le nombre de carrés roses (deux à quatre) qui apparaissent sur la bandelette donne une indication sur le nombre de jours à prévoir avant la mise bas. L’apparition de quatre carrés roses indique un poulinage dans les heures qui suivent.

Sur le même principe, l’évaluation du pH (potentiel hydrogène), permet de mesurer l’acidité ou la basicité d’une solution. La manipulation consiste à prélever 0,5 millilitre de sécrétion mammaire, à le placer dans un tube dans lequel on trempe une bandelette pH pendant une seconde avant d’en lire la couleur. Le vert pâle, indiquant un pH proche ou inférieur à 6,4, indique un poulinage dans les vingt-quatre à soixante-douze heures. Des indications qui permettent d’organiser la surveillance rapprochée de la jument.

Équipement et matériel

Au-delà de l’observation à l’œil nu et de l’analyse des sécrétions, l’éleveur dispose d’un panel d’équipements lui permettant d’être alerté sur l’imminence de la naissance. Parmi les plus courants, la ceinture de poulinage. Lorsqu’elle se prépare à pouliner, la jument s’allonge de tout son long sur le flanc, en décubitus latéral. La ceinture de poulinage, placée derrière le garrot à l’instar d’un surfaix et équipée de capteurs connectés à une carte SIM ainsi que d’un émetteur, prend en compte sa position lors des contractions (couchée ou en position sternale), mais aussi leur durée et leur fréquence. Au bout de sept secondes au moins dans cette position – soit le temps d’une contraction –, en alternance toutes les deux ou trois minutes avec une autre position, l’inclinomètre déclenche une alarme envoyée sur le téléphone du propriétaire. De fausses alertes peuvent retentir, mais on estime que seules 15% des juments pleines se reposent allongées sur le flanc. Une fonction “sommeil” est prévue pour ce dispositif, aussi proposé en boîtier à attacher au licol sous la gorge, commercialisé pour environ six cents euros par Birth Alarm, et disponible à la location. Au haras des Blés, Liliane Fromer fait confiance à un système de vidéo surveillance de huit boxes couplé au dispositif Birth Alarm pour l’ensemble de ses dix poulinières depuis vingt-cinq ans. « Je vois sur mon écran s’il s’agit ou non d’une fausse alerte. C’est un investissement qui en vaut la peine. »

Sur le même principe, légèrement moins perfectionné mais plus abordable côté budget, le système Happy Foaling déclenche lui aussi l’alerte lors des contractions. Easy Foal utilise pour sa part un capteur de soixante-quinze grammes installé sur le haut de la queue de la jument à l’aide d’une bande adhésive qui envoie un message vocal et un SMS au collecteur dès les premiers signes de la mise bas. Un système notamment utilisé au Haras de Clarbec par Elise Mégret. « Dans le passé nous utilisions les caméras et les ceintures. Après avoir testé le dispositif Easy Foal pendant une saison avec succès, tout en conservant les ceintures, nous avons décidé d’abandonner les ceintures et désormais nous avons recours à ce système couplé à des caméras. »

Au haras de Triaval (77), les caméras de surveillance sont renforcées par des ceintures de poulinage lorsque les juments sont prêtes à mettre bas. Le haras de Vains, qui accueille quatre-vingt naissances de trotteurs chaque année, après avoir testé les aimants et les ceintures, a fait le choix de cet équipement depuis trois ans. « C’est une révolution », affirme Adrien Delaroque, ravi de ce système. Liliane Fromer a également recours à ce dispositif, dont elle se dit satisfaite, mais l’observe, l’alerte étant plus proche du moment clé, il lui faut réagir plus vite qu’avec le Birth Alarm pour se rendre aux écuries, éloignées de cinq cents mètres de son domicile.  

Détection de l’ouverture de la vulve par un aimant

Trois semaines avant la date du terme, un électro-aimant émetteur (dont il convient de vérifier la portée) est placé sous anesthésie locale par un vétérinaire à mi-hauteur et légèrement en retrait du bord gauche de la vulve de la jument, l’aimant étant relié à un fil nylon suturé sur l’autre lèvre. L’écartement des lèvres de la vulve lors du poulinage provoque le détachement de l’aimant et déclenche l’émetteur. Grâce à une antenne relais, lors du détachement de l’aimant, un signal sonore est émis ou un message téléphonique envoyé à des numéros pré-enregistrés. Il appartient à l’éleveur de se trouver à proximité pour pouvoir intervenir si nécessaire.

Michel Guiot, à la tête du haras de Talma, pratique sur la centaine de juments qui poulinent chaque année non seulement les tests de lait pour évaluer la concentration en calcium, mais utilise également, lorsque l’échéance se rapproche, ce dispositif d’aimants depuis une vingtaine d’années, et s’en dit tout à fait satisfait. « C’est un système ancien mais qui fonctionne à 100%. L’alerte se déclenche lorsque la poche des eaux arrive, il nous reste donc un peu de temps pour intervenir dans le cas où le poulain est mal positionné. Le seul désavantage de ce dispositif est qu’il faut placer la jument au niveau d’une barre pour l’implanter, mais le geste ne prend que quelques minutes », explique celui qui n’avait pas été convaincu par ses essais avec des ceintures de poulinage, en raison d’un nombre trop élevé de fausses alertes, et de risques de blessure si les juments les portaient trop tôt avant le jour J. « Ce système est adapté à un éleveur qui ne veille que sur une ou deux juments, mais pas vraiment à un grand nombre de poulinages. »

Crédit photo : Pixabay.